Notice sur les frères Alphonse et Victor Plumier

Nicole Hanot
Mise en ligne 1er avril 2013

Victor Plumier

Pierre Victor Plumier, dit Victor Plumier, reste donc à Paris et s’y taille une très belle réputation, étant considéré comme l’un des portraitistes les plus respectés de la capitale parisienne.  Selon certains auteurs il s’installe rue Vivienne 36 à partir de 1845 et y demeure jusqu’en 1866 où son atelier est repris par Klary8.  Selon d’autres9, s’il est bien rue Vivienne en 1843 et 44, il est au studio du boulevard Bonne Nouvelle de 1845 à 1865.  L’affichage à la mairie, en mai 1862, du mariage de sa fille, « Mlle Plumier, photographe, chez ses père et mère, rue Vivienne, 36 »10 indique à tout le moins que le domicile était bien rue Vivienne.

Pour l’anecdote, on note que si ce francophone est cité par Helmut Gernsheim, dans l’un de ses ouvrages11, parmi les photographes travaillant en France, il est repris par le même auteur parmi les photographes de « German-speaking countries » (pays où l’on parle allemand) dans un autre livre12 !  La Belgique, ça n’existe pas, c'est bien connu...

En 1845, Victor se présente « comme un portraitiste disposant d’une terrasse vitrée et chauffée ».
En 1849, Victor est présent, comme Millet, Vaillat, Sabatier-Blot, Derussy et les frères Bisson, à l’Exposition des Produits de l’Industrie de Paris, la première grande exposition qui inclut la photographie. Il obtient une citation favorable pour ses héliographies sur métal :

« Nous avons dit que tous les héliographes procédaient aujourd’hui d’une manière uniforme ; les opérations, en effet, sont les mêmes, les substances et le matériel identiquement les mêmes.  Ce qui diffère, c’est, comme dans toute industrie, l’intelligence, le goût, et une sorte d’instinct qui constituent la vocation. M. Plumier possède toutes ces qualités à un degré remarquable ; il leur doit la régularité de ses préparations, qui donnent à toutes ses épreuves un ton argentin et vigoureux qu’on reconnaît de prime-abord, et le constant succès de ses opérations, qui lui ont conquis sa clientèle et qui l’étendent. »

Victor Plumier, en 1852, photographie Abel Niepce de Saint-Victor ; cette photo qu’il ne retouche pas et qui a été réalisée avec le collodion anglais de Horne et Cie, est considéré comme une merveille par les spécialistes au mois de mai : « Cette fois ce n’est pas la VÉRITÉ MORTE, mais L’ART VIVANT ! » Après 22 bonnes épreuves positives, le cliché négatif sur collodion peut encore en donner d’autres. L’une des épreuves est montrée à l’exposition photographique d’Amsterdam en 1858.
Gravé héliographiquement d’après la photographie et achevé par M. Riffaut,  ce portrait va orner deux ouvrages de Niépce de Saint-Victor (Les Recherches photographiques et le Traité de gravure).

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Victor Plumier, portrait d'Abel Niépce de Saint-Victor

Ce portrait gravé héliographiquement

En juin de la même année, la revue encyclopédique hebdomadaire des progrès des sciences Cosmos détaille un procédé de Victor Plumier pour la fixation des épreuves (dissolution d’hyposulfite (nom actuel : thiosulfate de sodium) dans de l’eau à laquelle on ajoute alcool et vinaigre).
À cette époque où la Société Héliographique13 a été dissoute et où la Société française de Photographie n’est pas encore née, le rédacteur du journal La Lumière Ernest Lacan comble le vide en parrainant des réunions informelles chez lui, où les photographes peuvent présenter leurs œuvres et en discuter.  Plumier assiste au moins à l’une d’elles, le 13 avril, en compagnie de Baldus, Le Gray, Le Secq, Nègre, Ziegler, Niépce de Saint-Victor et François-Auguste Renard.

Il ajoute la photographie sur papier à son répertoire et va continuer à pratiquer les deux techniques jusqu’en 1860, alors même que le procédé du daguerréotype est réellement éclipsé par la photographie sur papier.

Victor Plumier photographie de très nombreux artistes14 et rassemble les plus belles épreuves dans un album auquel font référence les périodiques français La lumière en 1854 et La Revue de Paris en 1855 ; cette dernière indique que « les albums de MM. Disderi et Pierson compléteront celui de M. Plumier ». Ce commentaire n’est pas sans intérêt quand on sait la réputation d’André Adolphe Eugène Disdéri, qui va devenir le photographe officiel de l’Empereur après avoir été le photographe officiel de l’Exposition universelle qui se tient du 15 mai au 15 novembre 1855 sur les Champs-Élysées…

À cette exposition, un critique classe les portraitistes dans l’ordre suivant : Millet, Plumier, Vaillat, Thierry, Sabatier. On considère donc Victor comme l’un des plus habiles photographes de son temps mais en septembre de cette année-là, Paul Périer, émet un avis très critique sur lui – pour autant que nous puissions bien comprendre son langage :

« Les couleurs de M. Laverdet sortent de ligne et font honneur au genre, une fois accepté. L'épreuve de ce même vieillard à barbe blanche, à côté de l'épreuve noire, en est le meilleur spécimen.  Nous aurons presque la même chose à dire des essais à l'huile de M. V. Plumier; seulement la vérité des tons est contestable, mais le faire est large, la louche libre et facile. Quant à ses portraits sans retouche, ils appartiennent à cette catégorie de ponçage, de symétrie, de tirage à quatre épingles et de clous dorés, auxquels notre éducation artistique ne nous permet de rien comprendre. » 

Peut-être Plumier fait-il les frais d’une controverse qui agite le monde photographique français en ce temps, Paul Périer, photographe amateur mais vice-président de la Société française de photographie, étant adepte de la retouche photographique au nom de la reconnaissance esthétique de la photographie et s’opposant au président de la SFP, Eugène Durieu, comme au courant général qui refusait la retouche…

Victor Plumier a fait breveter, le 26 avril 1855, un « polissoir à bascule propre à polir les plaques de daguerréotype ».
Victor, comme son frère Alphonse, a remporté une médaille de bronze à l’Exposition d’œuvres photographiques d’Amsterdam.

Il photographie aussi les grandes scènes populaires « grandioses et fugitives, où tout un peuple est en mouvement et dont la photographie seule peut rendre l’aspect indéfinissable ».  La Revue mensuelle, en 1855, cite son nom en premier dans les « artistes » qui traitent ce thème (« MM. Plumier, Bertsch, le Gray, Millet et Disderi »). Là encore le commentaire est intéressant : Gustave Le Gray est lui aussi devenu le photographe officiel de Napoléon III après avoir été l’un des cinq photographes de la Mission héliographique…15

La célébrité de Victor augmente encore lorsqu’il photographie, le 14 juin 1856, le baptême du Prince impérial Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, en prenant des prises de vues, sur grandes plaques, de l’arrivée des équipages au porche de Notre-Dame de Paris, de tout l’entourage de l’empereur et de l’impératrice, des membres de la Cour et des voutes gothiques ornées de peintures, de guirlandes et de fleurs. Il réussit des photos pleines de mouvement, photographie la foule, la garde nationale, la garde parisienne et les invités. L’une des photos est signée à l’encre Martens et V. Plumier avec un timbre sec « Martens Paris ».

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Friedrich von Martens (1806-1885) et Victor Plumier,
tirage sur papier salé d’après négatif verre au collodion.

Plumier n’est pas le seul à photographier l’évènement : on cite aussi Pierson, Marville et les frères Mayer mais ils ne photographièrent que le parvis de la cathédrale. Il semble que ce soit les photos de Victor Plumier qui aient connu le plus de succès.

Ses étiquettes indiquent qu’il utilise les procédés de Choiselat et Ratel qui « forment par leur extrême promptitude, la beauté et la douceurs des portraits, un spécialité pour les groupes de famille, les portraits de dames et d’enfants, qu’il fabrique des plaques argentées par les procédés électrochimiques de de Ruolz et Elkington, « supérieures à celles de doublé par la facilité de polir l’argent extrêmement pur, déposé par la pile, leur longue durée et la beauté des portraits ; le prix est égal à celles de doublé. »  Et le texte précise : « il ne faut pas les confondre avec les plaques galvanogènes. »

Victor utilise aussi un procédé de Niépce de Saint-Victor pour obtenir des épreuves photographiques de couleur rouge, verte, violette et bleue ; et c’est Victor qui a réalisé les épreuves que l’inventeur a présenté à l’Académie des Sciences en avril 1859.

Après 1865, il s’installe impasse de la Pointe à Neuilly.
Selon Jean-Marie Voignier, dans son Répertoire des photographes de France au dix-neuvième siècle paru en 1993, Victor Plumier devient fabricant de fécule à Villeneuve-Saint-Georges et Orléans.  Nous avons effectivement trouvé un monsieur Plumier qui proposa une formule de pain à la fécule de pomme de terre, mais le compte-rendu de la séance de l’ Académie des sciences qui le cite en 185516 ne mentionne pas de prénom ce qui laisse subsister le doute d’autant qu’en 1855, Plumier travaillait bien boulevard Bonne Nouvelle…

En mars 1869, Victor Plumier est revenu en Belgique : il se domicilie à Comblain-au-Pont et y réside encore en 1878, époque où il est témoin du mariage de la fille d’Alphonse avec Léon Dorée. 
Il décède cette année-là.

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Maison du Thier Pirard (Comblain-au-pont) où Victor Plumier passa ses dernières années
Photo aimablement communiqué par le RSI de Comblain-au-Pont.

Galerie

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1850

V. Peuquet, vers 1855


Burgoyne

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Lieut. Gén. Sir John Fox Burgoyne,
d’après daguerréotype de V. Plumier

 
s.d.

Notes

8 Janet E. Buerger, French Daguerreotypes, University of Chicago Press, 1989, p. 225.

9 Steven Joseph, Tristan Schwilden et M.-C. Claes, Directory of Photographers in Belgium, 1839-1905, De Vries-Brouwers, Anvers, 1997, p. 320-322.

10 Indicateur des mariages. Relevé des mariages affichés dans les mairies. Première publication du 11 au 18 mai 1862, Paris, 1862.

11 Helmut Gernsheim, Creative Photography. Aesthetic Trends. 1839-1960, General Publishing Company, Toronto, 1991, p. 30.

12 Helmut Gernsheim, A Concise History of Photography, 3d revised ed., General Publishing Company, Toronto, 1986, p. 38.

13 La première société savante de photographes au monde, fondée en 1851 à Paris.

14 Dont Mlles Bérangère, Bloch, Daudoir, Deschamps, Fleury, Firard, Guichard, Legears, Mmes Cabel, Guillon, MM. Bardou, Brasseur, Bressant, Delaunay, Deschamps, Dupuis, Fouchard, Frilleux, Hyacinthe, Kime, Leclerc, Lemesnil, Luguet, Maubant, l’homme de lettres Lafontaine, etc. On retrouve ces noms dans le Journal général de l’imprimerie et de la librairie qui recense les imprimés dont les éditeurs et imprimeurs font le dépôt au Ministère de l’Intérieur.

15 Opération de photographie de monuments remarquables français, réalisée en 1851 à la demande de la Commission des monuments historiques dirigée par Prosper Mérimée.

16 Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, T. XLI, juillet-décembre 1855, p. 84

 


 

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