Ouverture de cuisine de Lancelot de Casteau

Nicole Hanot
Mise en ligne 1er juin 2008

Biographie

On ne connait de Lancelot de Casteau que fort peu de choses...
Ni sa date de naissance, ni sa date de décès – même si l'on estime qu'il devait avoir septante-cinq ans lorsqu'il publie son Ouverture de cuisine, en 1604, à Liège chez l'imprimeur juré Léonard Streel, en la dédicaçant à Jean de Corte dit Curtius, richissime liégeois qui menait grand train de maison avec un sommelier, deux cuisiniers, un boulanger et bien d'autres serviteurs.1

De ce qu'il écrit lui-même, on comprend que Lancelot de Casteau est originaire de Mons et qu'il a travaillé au XVIe siècle comme maitre-cuisinier pour trois Princes-évêques de Liège : successivement Robert de Berghes (de 1557 à 1564), Gérard de Groesbeek (de 1564 à 1580) et Ernest de Bavière (de 1581 à 1612).

On sait qu'il fut nommé bourgeois de Liège, on apprend qu'il était pieux et doté d'humour.  
Qu'il a organisé en 1557 le banquet de l'entrée de Robert de Berghes et que son Ouverture de cuisine, écrite en français, ne fut pas vendue à l'adresse de l'imprimeur – ce qui permet à certains de supposer qu'elle fut peut-être imprimée à compte d'auteur...

 

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Page de titre de l'ouvrage.

L'Ouverture de cuisine

Cette oeuvre était connue de certains bibliophiles à la fin du XVIIIe siècle car le baron de Villenfagne, un érudit liégeois, la cite à deux reprises mais le livre en était perdu. Il fut retrouvé tout à fait par hasard en 1958...

Dans l'introduction de la publication qui en fut faite en 1983 chez De Schutter (Anvers, Bruxelles), Herman Liebaers en raconte l'anecdote :

Un beau jour, un petit homme dont on a oublié le nom alla proposer au conservateur de la Réserve précieuse de la Bibliothèque royale de Belgique,  Franz Schauwers, un bouquin que celui-ci n'avait jamais vu en 25 ans de carrière.  Le conservateur offrit 3 000 francs belges pour le livre et les paya par un chèque personnel car l'acheteur voulait recevoir l'argent immédiatement – ce qui est impossible dans une administration. Après la parution d'un article dans le journal Le Soir, le vendeur revint et exigea la restitution du livre qui lui semblait avoir été sous-évalué.  Franz Schauwers refusa ; le vendeur se fâcha, lui lança le chèque à la tête et repartit en claquant la porte.  L'état possède donc un livre qu'il n'a jamais payé...

Importance de l'ouvrage

La réédition en facsimilé de l'Ouverture de cuisine date de 1983, après que Léo Moulin, sociologue et historien belge, en ait fait la translation en français moderne, y ajoutant aussi un glossaire et que Jacques Kother ait écrit des commentaires historiques et gastronomiques.

Kother souligne notamment que le livre de Lancelot de Casteau « apporte un témoignage inestimable sur la grande cuisine de son époque. »

Il bouleverse des idées reçues quant à l'usage des pommes de terre au XVIe s., quant au régime alimentaire des aristocrates de l'époque.
Il étonne par la variété des herbes utilisées dans les salades, les omelettes, les hochepots ; il prouve que les plats étrangers (espagnols, italiens...) sont appréciés autant que les vins... Il présente des recettes couteuses et d'autres « de petites dépenses, où chacun pourra prendre ce que bon lui semble ». [2]


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Pages présentant quatre recettes de pommes de terre dites « tartoufle ».


L'ouvrage est constitué de quatre parties :

- Le Livre premier, qui enseigne à accomoder un mets et ce dont il est ordinairement besoin pour faire plusieurs espèces de tourtes, est explicitement écrit pour les dames [3] et leur apprend ce qu'il faut avoir pour deux services de 10 personnes et comment accommoder ces ingrédients.

- Le second Livre, qui traite de la façon de faire de la saucisse de Bologne, et plusieurs sortes de pâtés, tant de viande que de poisson marin et autre, avec toutes sortes de gelées, traite effectivement des gelées (simple ou colorée en rouge, jaune, gris, noir, vert, violet, ou passementée ou lardée, ou de glace !) mias aussi des pâtes, des sucreries, de la moutarde, des pâtés (d'huitres, de légumes, de poisson, d'ecsargot, de viande...), de la cuisson des poissons, du homard, des pommes de terre, des viandes...

- La troisième partie décrit la composition des quatre services du Banquet des enfants sans souci.

- La quatrième partie donne la composition du fameux Banquet donné à l'occasion de l'entrée de monseigneur Robert de Berges, comte de Walhain, Évêque et Prince de Liège, fait au Palais de Liège, l'an 1557, au mois de décembre. Les plats, présentés en 4 services, furent servis « à la française » sur des tables disposées en U, les convives se servant dans les plats qui se trouvaient devant eux.

Premier service : 22 plats

Dinde bouillie avec des huitres, cardons, salade d'Espagne
Outarde rôtie, tourte de blanc-manger
Gigot de mouton bouilli
Chevraux rôtis et rôti orange
Moëlle de boeuf en potage
Pâtés poupelins de perdrix
Veau gras rôti en daube
Héron rôti
Lièvre en potage
Pâté de venaison chaud
Grue rôtie en olive
Perdrix bouillie au capes
Grue rôtie
Sanglier rôti
Poitrine de veau farcie bouillie
Mouton rôti et radis noir
Veau revêtu bouilli
Pluviers rôtis
Chapon en potage de Hongrie
Bécassine d'eau rôtie
Oiselets en potage
Canard rôti en dodine

Second service : 29 plats

Faisan rôti, sauce royale
Veau gras rôti
Pâté de cabri
Cerf rôti
Ravioles de moëlle de boeuf
Huppe rôtie
Grue en potage
Bécasse rôtie
Pâté de chaon
Butor rôti
Sanglier en pot
Chevreuils rôtis
Tourte de veau à la crème
Perdrix rôties à la sauce de pignons
Lièvre rôti
Cygne rôti à la sauce Crémone
Aigrette rôtie
Gélinottes rôties
Ravioles de blanc-manger feuilleté
Spatule rôtie
Veau revêtu rôti
Pâté enragé
Cabri en pot
Pâtés d'Angleterre
Pigeon bouilli farci
Canard en pot
Cervelle rôtie
Gigot de mouton revêtu
Oison sauvage rôti

Troisième service : 47 plats

Pâté de gélinotte revêtu
Outarde rôtie froide
Pâté de faisan
Blanc-manger en forme
Gelée en forme dressée
Cygne sauvage rôti froid
Gelée de cochon
Pâté de perdrix revêtu
Dindon rôti froid
Pâté de perdrix
Grue rôtie
Huitres en potage
Pâté de paon
Saucisse de Bologne
Pâté de sanglier
Champignons en potage
Cerf rôti
Esturgeon bouilli
Pâté de chevreuil
Jambon de Mayence
Hures de sangliers bouillies
Pâté de héron
Pomme de terre bouillie
Pâté de cerf
Gelée passementée
Anchois
Pâté d'outarde
Truite en daube
Écrevisse de mer
Pâté de dinde
Gelée lardée
Pâté de huppe
Huitre rôtie
Pâté de butor
Brenne d'Angleterre
Solette en daube
Pâté de canard
Pâté d'aigrette
Turbot en daube
Caviar d'esturgeon
Pâté de lièvre
Langue de boeuf fumée
Sanglier rôti
Rouget en daube
Champignons frits
Pâté de grue
Pièce de sanglier bouilli

Quatrième service : 45 plats

Grand massepain doré
Pâté de Gênes
Sucreries liquides
Gauffre sucrée
Pâté de coing
Cannelline romaine
Marmelade blanche
Gelée blanche claire
Pistachine
Tarte royale
Cannelline longue
Pâté d'orange
Lard d'amandes
Beurre de Mai
Oublies
Gelée rouge claire
Amandes sucrées
Tarte aux pommes
Cannelle sucrée
Moustacholle
Sucreries sèches
Friture de beignet
Pâté de sucre
Samblette
Palamite
Marmelade en forme
Tourte de crème
Pêche confite
Orange confite avec des fleurs
Gelée de glace
Offaelle feuilletée
Grand biscuit sucré
Grand Castelin
Capes confites
Poires confites
Neige sur romarin
Pommes crues
Anis
Parmesan
Prunes de Hongrie confites
Gâteaux feuilletés
Châtaignes
Morquin
Roquille
Biscotelle

Total : 143 plats...

Après la réédition de l'Ouverture de cuisine, des restaurateurs de la région liégeoise, réunis en 1994 sous le nom des « Artisans Cuisiniers de Lancelot de casteau », se sont inspirés de l'oeuvre pour proposer des recettes basées sur les produits du terroir.

La Taverne du Musée de la Gourmandise propose des recettes de Lancelot de Casteau, et l'Ouverture de cuisine est consultable à la Bibliothèque de la Gourmandise.

 


 

NOTES

[1] On considère que l'organisation d'un banquet comme celui de Robert de Berghe en 1557 n'a pu être confié qu'à un homme d'une trentaine d'années. retour au texte

[2] Citation extraite de la dédicade du livre à Monsieur Jean Curtius. retour au texte

[3] « (...) l'on en trouve travaillant en Cuisine mieux que bien des Cuisiniers (...) » retour au texte

 


 

BIBLIOGRAPHIE

  • Lancelot de Casteau, Présentation Herman Liebaers, Translation en français moderne et glossaire Léo Moulin, Commentaires gastronomiques Jacques Kother, Ouverture de cuisine par Lancelot de Casteau. De Schutter, Anvers, 1983 (reprint de l'édition de 1604)