Petite histoire de la vigne et du vin

Norbert Théatre
Illustrations par Nicole Hanot – Mise en ligne 01/12/2005

Histoire de la vigne et du vin - le vignoble mosan - glossaire

 

Les derniers travaux des chercheurs et les découvertes relativement récentes des archéologues situent le berceau de la vigne européenne dans la région comprise entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, c'est-à-dire dans ce qui, à notre époque, correspond plus ou moins à la région du Caucase avec la Géorgie, l'Arménie et l'Anatolie (Turquie asiatique) comme point de départ de la viticulture.

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Car il faut savoir que la vigne était une plante que l'on trouvait à l'état sauvage sur tous les continents.
Nous ne parlerons que de la vigne européenne (Vitis vinifera) car les vignes asiatique et américaine ne sont que de peu d'intérêt au vu de la qualité du produit élaboré.
Les fouilles archéologiques ont prouvé, sans doute permis, qu'on vinifiait déjà dans ce bout d'Europe/Proche-Orient, il y a plus de 5.000 ans.


    
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Vitis vinifera

On a pu retrouver des cuves à vin, des amphores, des tas de pépins de raisins qui, à l'analyse, avaient subi une fermentation.
De là à pouvoir dire avec certitude quel est le peuple qui, le premier, a cultivé la vigne et élaboré du vin, cela devient une impossibilité par manque de preuve.
Les savants nous aident à découvrir la viticulture dans tout le pourtour méditerranéen.   Par exemple, chez les pharaons en Egypte, le vin était produit, certes en faible quantité, mais réservé à la caste dirigeante et servait pour les cérémonies religieuses.

   
On a retrouvé des amphores portant le nom du vin, le lieu où il avait été produit, le nom du pharaon sous le règne duquel il avait été produit, ainsi que le nom du régisseur du domaine responsable de l'entretien des vignes et de la vinification. On avait là toutes les indications légales actuelles pour la défense des A.O.C. Pour rappel, la création de l'Institut National des Appellations d'Origine français ne date que de 1935.
Les Égyptiens avaient quelques longueurs d'avance !

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Amphore repêchée dans le port de Marseille - IIe s. PCN, coll. BMG

Evidemment il est notoire que ce sont les Grecs qui ont fait du vin la boisson courante et appréciée qu'elle est aujourd'hui. Au début le vin était réservé aux célébrations du culte des très nombreux dieux, dont l'un, Dionysos, s'occupait spécialement du vin.
Le vin fut très vite la boisson de l'élite intellectuelle et patricienne qui en consommait de multiples sortes lors des banquets (appelés Ssymposium) et autres festivités. Le climat propice des iles permettait la culture d'une grande variété de cépages (variétés de vignes) et l'élaboration de différents types de vins que les plus sages buvaient avec modération, parfois coupés d'eau ou d'eau de mer.

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Dionysos

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Bacchus


Ce peuple hautement civilisé eut malgré tout à subir la conquête des Romains.
Ceux-ci s'empressèrent de prendre chez les Grecs ce qu'il y avait de meilleur, architecture, législation, littérature, statuaire et surtout, en ce qui nous concerne, la culture de la vigne et du vin.
Dionysos est devenu Bacchus. Cette culture prit une telle extension qu'on trouve encore de nos jours, du Nord au Sud, de la vigne en Italie, que les Grecs appelaient d'ailleurs Œnotia, c'est-à-dire le pays du vin.

Par leurs conquêtes dans tous les pays du monde connu à l'époque, les Romains répandirent la culture de la vigne partout, dans tous les pays d'Europe centrale, la presqu'ile ibérique, l'Afrique du Nord, une grande partie de l'Allemagne et jusqu'au sud de l'Angleterre.
En Gaule, ils trouvèrent une vigne déjà bien implantée dans diverses régions, spécialement la Provence, conquise vers 600 avant J-C. par les Phéniciens, et la vallée du Rhône. Mais là où ils trouvaient la vigne, ils en accroissaient la surface, introduisaient de nouveaux cépages et amélioraient l'art de la vinification par exemple par l'utilisation du souffre comme antiseptique. Mais ils n'ont pas tout inventé…

La fabrication des barriques était connue de longtemps des Gaulois alors que Grecs et Romains en étaient encore à manipuler les fragiles amphores de terre cuite.
Rendons à César…

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Barque gauloise transportant 4 tonneaux - Musée de Trèves

Après le déclin de l'Empire romain, c'est aux moines évangélisateurs et aux communautés religieuses que l'on doit l'agrandissement des vignobles.
Car il faut savoir que le vin était nécessaire aux besoins du culte, il servait de boisson, de médicament et de viatique pour les nombreux pèlerins se déplaçant dans toute l'Europe vers Rome, Saint-Jacques de Compostelle, Jérusalem…
Des monastères célèbres comme Cluny, Citeaux, Saint-Germain-des-Prés, Hautvillers, Kloster Eberbach (Allemagne), Pontngny et bien d'autres, dont la règle était prière et travail, avaient reçu des terrains, souvent en friches, incultes, rocailleux qu'ils mirent en valeur en y plantant la seule plante rentable qui voulait bien y pousser : la vigne.

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Céramique - Moines viticulteurs - Abbaye de Fonfroide - http://www.fontfroide.com

Les grands vignobles de la plupart des pays, les vins les plus cotés, les appellations les plus recherchées datent de cette époque où le travail incessant des moines, sur plusieurs siècles parfois, améliorait le choix des parcelles, le choix des cépages, les soins aux vinifications (voir les célèbres Clos en Bourgogne).

Les vignerons ont choisi pour patron saint Vincent, que l'on représente tenant une grappe de raisin dans la main et dont saint Augustin a dit : Enivré du vin qui rend fort et chaste, Vincent triompha des tyrans qui voulaient ruiner le règne de Jésus-Christ. - fête le 22 janvier.

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Saint Vincent - Bois polychromé - XIXe s., coll. BMG

Les marchands de vin, eux, lui préfèrent saint Martin - fête le 11 novembre.

Le démantèlement de ces immenses domaines et la sécularisation des biens du clergé lors de la Révolution française firent passer les vignes dans les mains de particuliers dont les plus fortunés améliorèrent encore la surface plantée et surtout la qualité du produit fini grâce à l'abondante main d'œuvre qu'ils pouvaient s'offrir.


Le vignoble mosan

Bien que située à la limite septentrionale de la culture de la vigne, la Belgique eut, vers le IXe siècle, des vignes à peu près dans chaque région : Vallée de la Meuse, Hainaut, Brabant, Provinces de Liège, de Namur… On trouvait la vigne jusque dans les enceintes de villes comme Louvain et Liège.
Toutefois les conditions climatiques furent un frein à l'extension et à la pérennité du vignoble.

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Remacle Le Loup - 1740 - eau-forte représentant la ville de Huy
A gauche : vignoble emmuré du couvent des Croisiers
Au centre : probablement le vignoble de Grimomont

Nous savons que les meilleurs vignes sont toujours situées en coteaux tournés si possible, vers le sud-est ou le sud-ouest pour un ensoleillement maximum.
Le sol doit être pauvre et bien drainé. Ne dit-on pas que la vigne doit souffrir pour produire du bon vin ?
Le cépage doit être en adéquation avec le sol. En clair, on ne plante pas n'importe quelle vigne n'importe où !
Dans la vallée de la Meuse, de Givet à Maastricht, c'est principalement rive gauche (exposition sud-est) que va se trouver le vignoble. Rive droite, à quelques exceptions près sur des situations privilégiées, il y en a moins.

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Ci-contre :
Sarcophage de Sainte Chrodoara, VIIe s.
Découvert en 1977 sous le choeur de l'église romane d'Amay. Collégiale d'Amay.
Dessin d'Eugène Thirion (Cercle archéologique Hesbaye-Condroz). La partie latérale gauche est décorée d'une guirlande de pampres.

 

Comme nous l'avons vu, entre autres en Bourgogne, ce sont surtout les églises et abbayes qui, pour les besoins du culte, ont privilégié la culture de la vigne à proximité des établissements religieux.

Cependant la production locale étant parfois insuffisante et/ou de piètre qualité vu l'ensoleillement aléatoire de nos régions, on eut recours à l'importation de vins étrangers de meilleure qualité: France, Allemagne (Rhin), Moselle…

 

Autre solution, les abbayes qui possédaient des vignobles à l'étranger en consommaient le produit et en revendaient le surplus éventuel. Toutefois ce dernier système avait des inconvénients majeurs tels la cherté des transports, le manque de surveillance du vignoble et des personnes y travaillant.

On poussa donc au développement de la culture locale, ce qui permit de satisfaire les besoins propres déjà vers la fin du XIIIe siècle.

Malheureusement, à peine le vignoble établi et la production plus ou moins stabilisée, apparut un changement climatique, début XIVe siècle : un temps de plus en plus froid, avec des étés frais et défavorables à l'ensoleillement et des hivers froids, rigoureux et neigeux.
La vigne supporte beaucoup mais point trop n'en faut…

A partir du XVIe s., on voit très nettement un ralentissement de la production de vin et de l'extension des vignes.
Plusieurs facteurs concomitants accentuèrent le phénomène : plus grande facilité de se procurer les vins étrangers (la voirie étant améliorée et la sécurité des transports accrue), qualité supérieure des vins importés sur les vins locaux, attrait non négligeable de cultures maraichères plus rentables, attrait également du travail rétribué régulièrement, sinon généreusement, dans les industries métallurgique et houillère qui se développent dans la région liégeoise. Et ne parlons pas des guerres qui mobilisent et tuent des hommes et détruisent les vignes.

A l'heure actuelle, il ne reste que quelques passionnés pour poursuivre cette culture historique. Tout spécialement dans la région de Huy et environs (je ne prends pas en compte ce qui se fait dans d'autres régions belges).
Ces gens travaillent dur, pour un résultat aléatoire, parfois décevant. Mais ils maintiennent une tradition et un folklore qui ont leur place dans notre monde. Ce n'est pas l'appât du gain qui les pousse, mais la passion !

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Étiquette de bouteille. Huy, XIXe s.

Que soient remerciés ici, non seulement et surtout les anciens dont le nom s'est un peu perdu, mais aussi les nouveaux viticulteurs qui consacrent temps et argent à leur passion. Pour n'en citer que quelques-uns - et j'en oublie - : MM. Ch. Legot 1, R. Godion, les Séba, N. Brasseur, M. Follini, et que les autres me pardonnent.

 

Le vignoble

Idéalement situés en coteaux, les meilleurs vignobles étaient également cultivés sur des sols schisteux regardant le sud. Ce qui n'était pas le cas pour tous et ce qui donnait des petits vins acides et de peu d'agrément. On s'empressait d'ailleurs, quand on le pouvait sans se faire prendre, de les couper avec des vins étrangers plus structurés.
Afin d'améliorer le sol on n'hésitait pas à répandre des galets, des débris rocheux de schiste provenant de fosses d'extraction ou de carrières voisines.
Pour la création d'un nouveau vignoble, après préparation du terrain par un défonçage et fumure (au fumier de vaches le plus souvent), on plantait les ceps dans un trou tous les 60 cm, dans toutes les directions, en quinconce. Ce système obligera à faire tous les travaux à la main avec la houe à deux dents traditionnelle.

Dans les vignes plus anciennes, pour remplacer les pieds trop vieux ou morts, on procédait le plus souvent par provignage et marcottage ce qui pouvait au fil des années briser la belle ordonnance du début et créer un fouillis quasi inextricable de racines et de pieds s'entremêlant et rendant le travail encore plus pénible, même si les ceps étaient soutenus par des échalas de chêne.

Ce système est actuellement remplacé par des vignes palissées sur fil de fer en rangées bien régulières.
Les travaux dans un vignoble, pentu ou non, sont durs et à peu près constants toute l'année.

  • Dès les vendanges terminées et les travaux de vinification en cours, il faut, dès la fin de l'automne, procéder au nettoyage du vignoble.
  • Dans les terrains les plus pentus, il y a le remontage des terres lessivées par les pluies jusqu'au haut du vignoble, et cela dans des hottes qui serviront également au transport du fumier.
  • Il faut marcotter ou provigner, butter les pieds contre les rigueurs de l'hiver.
  • Ensuite la taille plus ou moins courte ou longue où on élimine les sarments superflus ou qui ont produit pour ne garder que deux yeux sur un ou deux bois (appelés courçons). Cette taille pouvait varier fortement selon la vigueur de la vigne et en prévision de la future récolte.
  • Le débuttage se fait après les saints de glace (mi-mai).
  • Après la montée de la sève au printemps, un premier labour.
  • Ensuite pour la vigne c'est le débourrage qui permet aux feuilles d'apparaitre.
  • Puis la floraison, période de tous les dangers car c'est là que se décide la quantité potentielle de la récolte. Si à cette époque on a une période de gel, les jeunes pousses peuvent être détruites et les fleurs abimées en tout ou en partie. Ce qui obère évidemment la récolte, quand elle ne la ruine pas tout à fait. Les fortes pluies, ou les brouillards persistants, hélas fréquents chez nous, provoquent eux la coulure ou le millerandage, c'est-à-dire qu'ils empêchent la fécondation régulière de la fleur et mettent en péril la quantité de la récolte.
  • Supposons que tout se passe bien : après la fécondation de la fleur, c'est la formation de minuscules grappes vertes, c'est la nouaison.
  • Il faut aussi fixer les pampres porteurs de grappes sur les échalas ou les fils de fer, éliminer les rameaux et rejets superflus. C'est la taille en vert, avec l'ébourgeonnage pour ôter tous bourgeons inutiles.
  • À la mi-aout, plus ou moins tôt ou tard selon le temps, l'exposition ou les cépages, c'est la véraison. Le grain de raisin qui a grossi change sa couleur vert acide pour le jaune ou le rouge puis le noir selon les variétés.
  • On pratique l'épampage et l'étêtage ou écimage pour aérer la vigne et placer les grappes à la chaleur et à la lumière.
  • Suit un deuxième labour.
  • La maturation du raisin se poursuit dans des conditions climatiques qui doivent être favorables: ensoleillement, mais pas trop violent pour ne pas créer de stress hydrique et bruler le feuillage sans lequel il n'y a pas de sucre dans les grappes. Pas de pluies trop violentes (orages - grêles qui animent et gâchent définitivement le raisin), ni trop fréquentes car le manque de soleil empêche la maturation de s'effectuer correctement.
  • Fin septembre, début octobre : les vendanges

Les cépages

Dans la région de Huy et la vallée mosane en général, on produisait peu de vin blanc. Un des produits les plus connus était le Briolet, vin rouge élaboré avec l'ensemble des cépages cultivés, mais dont l'acidité, l'âpreté parfois, et la faible conservation en faisaient un produit de consommation locale. Paradoxalement, au vu de cette situation septentrionale limite déjà évoquée, le choix des vignes et des vins s'est porté sur des cépages noirs, alors que naturellement, il faut plus de temps d'ensoleillement et de chaleur pour faire murir convenablement un raisin noir qu'un raisin blanc (cfr. l'Allemagne majoritaire en blanc, le sud de l'Angleterre, l'Alsace…)

Essentiellement venus de Bourgogne, on trouvait et on trouve encore le Pinot noir ou Noimien appelé aussi Pineau de Bourgogne - Pinot meunier, Pinot gris ou Pinot beurrot en petite quantité, Pinot franc ou Ronchaine, le Gamay ou Rouasse. Actuellement, le St-Laurent - le Régent et quelques autres à l'essai.
En cépages blancs, peu cultivés à l'époque florissante, on trouve actuellement le Muller-Thurgau  ou Rivaner, le Traminer, le Pinot gris, le Pinot blanc, le Muscat, l'Auxerrois… Dans les très anciens dont on retrouve plus de traces écrites que de pieds : la Madeleine royale - la Madeleine angevine, le Malvoisie doré. Et dans les nouveaux, l'Ortega et le Sieger.

 

Les vendanges - Les vinifications

Selon la qualité de l'année, elles se déroulaient de fin septembre à fin octobre. On choisissait si possible des journées avec brouillards matinaux et apparition du soleil vers 10 h. Le propriétaire embauchait vendangeurs et vendangeuses, parfois des enfants, pour effectuer le travail tant que les conditions atmosphériques étaient bonnes.
Rang par rang, on cueillait les grappes à l'aide soit d'une serpette, soit de couteau ou de ciseaux.

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Couteau de vigneron - région de Huy - coll. BMG

Lors de bonnes années, lorsque le raisin était bien mûr, on effectuait parfois les vendanges en deux « passes ». Cueillant d'abord les raisins les plus mûrs pour le vin rouge et repassant plus tard pour récolter le restant des grappes pour le vin blanc. Car bien entendu il est possible de faire du vin blanc avec des raisins noirs puisque le jus de la plupart des raisins de cuve est clair, non coloré, hormis les cépages dits « teinturiers ».

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Cueillette et foulage - Tacuinum sanitatis, XIVe s.

Pour obtenir du vin blanc

De paniers en hottes, de hottes en cuveaux, les raisins étaient finalement amenés à la cave.
À l'époque ancienne, on foulait le raisin à pieds nus afin d'obtenir le mout clair (le jus) qui était déversé dans des tonneaux où il fermentait.
Aujourd'hui, on n'utilise plus ce procédé archaïque et pas très hygiénique ; il est remplacé par des fouloirs mécaniques, voire même des fouloirs-égrappoirs qui enlèvent en même temps les rafles des grappes et permettent d'obtenir environ 70 % de mout du raisin. C'est le mout de goutte.
Les parties solides sont directement envoyées au pressoir pour obtenir le liquide restant. Ce mout de presse sera mis à fermenter avec le mout de goutte.

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Partie d'une gravure représentant le pressoir, extraite de l' "Encyclopédie" dirigée par Diderot et d'Alembert, 1765.
  

Le mout est mis à fermenter dans des tonneaux après filtration, la bonde du tonneau restant ouverte pour laisser s'échapper le gaz carbonique issu de la fermentation.
L'opération de transformation du mout en vin blanc prenait 15 jours à un mois selon la température de la cave qu'on n'hésitait pas à chauffer pour accélérer le processus.

Les tonneaux sont toujours remplis à ras bord (jusqu'à la bonde) et, comme il y a une perte par évaporation et dégazage, on est obligé de compléter le vide créé en ajoutant du même mout dont on a conservé quelques bouteilles à cet effet.
Cette opération de remplissage s'appelle l'ouillage.
La fermentation terminée, on bouche le tonneau avec une bonde provisoire et on place le tonneau sur deux chantiers parallèles avant sa mise en bouteilles.

Pour l'obtention de vin rouge

Le processus diffère sensiblement car la couleur du vin est due à des substances contenues dans la peau noire du raisin (les anthocyanes).
Il faut donc un contact prolongé, une macération entre le mout et les particules solides du raisin pour obtenir la dilution de ces éléments.

Après un foulage plus ou moins intense, on verse solides et liquides dans de grandes cuves de fermentation.
Après quelque temps, selon la température de la cave, la fermentation démarre avec un dégagement important de gaz carbonique qui, en remontant, pousse à la surface tous les éléments solides (peaux, pépins, rafles) pour former ce qu'on appelle le chapeau.
Celui-ci ne doit pas rester à l'air par crainte de la piqure acétique qui ferait tourner le vin en vinaigre. On doit donc remuer et enfoncer cette masse solide dans le liquide en fermentation plusieurs fois par jour. De la sorte, on extrait le maximum des éléments utiles au vin : couleur, tanins, arômes du chapeau.
Après la fermentation qui transforme le sucre en alcool et qui dure une petite huitaine de jours, on décuve pour obtenir le vin de goutte qui est le meilleur. Dans le fond de la cuve restent les particules solides qui prennent le nom de marcs.
Les marcs sont conduits au pressoir pour l'obtention du vin de presse, plus tanique, plus coloré, mais moins fin. On peut presser les marcs une ou deux fois, mais la qualité baisse au fur et à mesure.
Vin de goutte et de presse sont versés, après avoir été décantés grossièrement, dans les tonneaux où ils vont poursuivre leur élevage par de multiples soutirages afin de séparer les lies du vin clair (c'est le tirage au fin) par des ouillages fréquents.
En plus des soutirages pour obtenir un vin limpide, on procédait à une clarification des vins. Cette opération appelée collage s'effectue avec des substances albuminoïdes.

Pour les vins rouges : 5 à 8 blancs d'œufs pour un tonneau de 228 l. On fouette les blancs d'œufs avec une pincée de sel et un peu d'eau et on verse ce mélange dans le tonneau par la bonde en brassant vigoureusement à l'intérieur à l'aide d'un bâton de coudrier refendu en quatre, servant de mélangeur. Le blanc d'œuf va créer un réseau très fin d'albumine qui va entrainer toutes les impuretés vers le fond et rendre le vin limpide et brillant. Opération qui dure environ un mois suivie d'un soutirage minutieux avant que le vin soit reversé dans des tonneaux propres qui vont attendre deux ans pour les meilleurs avant d'être expédiés ou mis en bouteilles.

Pour les vins blancs, on utilise plus volontiers de la colle de poisson, mais le processus est le même. Toutefois, on garde moins longtemps le vin blanc en tonneaux avant la mise en bouteilles.

La fin des vendanges qui marquait aussi la fin d'une année de dur labeur était fêtée par des chants et des danses, et arrosée naturellement de vin du pays.

 

Quelques mesures et capacités pour le vin

  • Bordeaux, Bourgogne et Anjou : la bouteille = 0,75 l = 6 à 7 verres, le magnum = 1,5 l, le jéroboam = 3 l
  • Alsace : la bouteille = 0,72 l = 6 à 7 verres
  • Champagne : le quart = 0,187 l, la demie = 0,375 l,  bouteille = 0,75 = 6 à 7 coupes, le magnum = 1,5 l, le jéroboam = 3 l, le réoboam = 4,5 l, le mathusalem = 6 l, le salmanasar = 9 l, le balthazar = 12 l, le nabuchodonosor = 15 l  [moyen mnémotechnique : « Car de bon matin, je re marquais sa ba nalité » ], le salomon = 18 l, le souverain = 26,25 l, le primat = 27 l, le melchizédec = 30 l, l'Adélaïde (seul à s'écrire avec une majuscule !) =  93 l.

 

Quelques mesures et capacités du pays de Huy

Ventes au détail

  • Le pot ou quarte = 1,28 l
  • La pinte ou ½ quarte = 0,64 l
  • La chopine ou ½ pinte = 0,32 l

Bouteilles

  • La liégeoise ou grosse panse, dite à Huy lîdjwèse ou grossè ponse : à l'origine 1,28 l, ensuite 75 à 80 cl - actuellement 75 cl
  • La namuroise : ressemble à une bouteille de champagne, 75 à 80 cl - actuellement 75 cl
  • La bordelaise - 75 à 80 cl - actuellement 75 cl
  • La flute - surtout pour les vins de la Moselle - 75 à 80 cl - actuellement 75 cl

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Deux voleuses
Ce nom était donné à des bouteilles liégeoises dont le cul atteignait parfois la moitié de la hauteur du flacon (bien discernable pour la bouteille de gauche)

Tonneaux ou barriques

  • L'aime autrefois tonneau de 172 l mais aussi, selon les régions, de 120 - 130 - 140 l
  • L'aime de Huy : tonneau de 180 l
  • Le ½ aime : tonneau de 80 à 90 l
  • La barrique ou pièce : : tonneau de 228 l
  • La ½ pièce ou feuillette : : tonneau de 120 l
  • La quartant : tonneau de 70 l
  • Petits tonneaux de 32 ou 16 l
  • La pipe (commercial) : : tonneau de 3 pièces, ne servait pas pour les vins de pays.

Quelques objets du vin

verre-freze

Verre de Liège, XVIIIe s.
Frèzé : nom wallon d'un grêlé (de la petite vérole).
Fig. : type ancien de verre à bourgogne, fabriqué à Liège,
orné d'un quadrillé en relief dont le creux rappelle les marques de la variole.

pipette

Pipette de cave, ou goute-vin, XIXe s.
Tube en verre soufflé, muni d'une petite poignée près du col, pour prélever des échantillons de vin dans le tonneau.

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tasse-a-vin-1bis

Ensemble de tasses à vin du XVIIe au XXe s.
Seules celles à anse et poucier, bourguignonnes, sont appelées taste-vins

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Bouteilles à vin du Rhin (à cachet), fin XVIIIe s.

Glossaire

planche-vigne2

1. souche - 2. sarment - 3. vrille - 4. feuille - 5. grapillon - 6. grappe
7. pédoncule - 8. pédicelle - 9. cep - 10. greffon - 11. porte-greffe

 

acétique adj Terme de chimie. Acide acétique, acide qui est le principe du vinaigre. - retour au texte

bonde s.f.

1- Trou rond par lequel on remplit un tonneau, appelé aussi trou de bonde.
2- Le morceau de bois qui sert à boucher la bonde d'un tonneau. On dit plus souvent bondon. retour au texte

butter

Terme de jardinage. Ameublir la terre en pyramide autour du pied d'une plante. retour au texte

cep s.m.

Pied de vigne, formé de 2 parties : le porte greffe et une partie aérienne, le greffon. Le porte greffe est une vigne choisit pour ses racines qui se développe bien dans le sol et le greffon est une vigne choisie pour ses bons raisins.
Part. Cep de vigne, insigne des centurions. retour au texte

cépage s.m.

Plant ou variété de la vigne cultivée. retour au texte

chantier s.m.

Pièce de bois sur laquelle on couche des tonneaux dans le cellier, dans la cave. ces sortes de poutres sont espacées de façon à faire reposer les extrémités des barriques et permettre le soutirage. Elles sont munies de cales amovibles pour immobiliser les tonneaux. retour au texte

coulure s.f.

Terme de culture. Avortement de la fleur non fécondée. retour au texte

décanter

Après avoir laissé déposer une liqueur, on la verse doucement en penchant le vase et séparant ainsi la partie claire, qui est au - dessus, de celle qui s'est précipitée. retour au texte

débourrer

Sortir de la bourre, en parlant des bourgeons et particulièrement de ceux de la vigne.
Bourre s.f. Par extension, duvet qui couvre certains bourgeons à leur naissance. La vigne a gelé en bourre. retour au texte

ébourgeonnage s.m.

synonyme de ébourgeonnement s.m.
Terme de jardinage. Opération qui consiste à retrancher une partie des bourgeons, pendant la période de végétation, à l'effet de régler la pousse de l'arbre et de déterminer la position des branches, de faire reporter sur les bourgeons réservés ou sur les fruits la sève en circulation, ou enfin de donner aux fruits, lorsque les arbres en sont chargés, plus d'air et de lumière. retour au texte

échalas s.m.    

Bâton de longueur variable auquel on attache un cep de vigne. Botte d'échalas.
Fig. C'est un vrai échalas, se dit de quelqu'un qui est maigre et mince. retour au texte

écimage s.m.    

Action d'écimer = de couper la cime des arbres. retour au texte

épampage s.m.

Taille des tiges inutiles. Voir pampre. retour au texte

étêtage s.m.

Synonyme d'étêtement s.m.
Mode d'élagage qui consiste à retrancher toutes les branches qui forment la tête d'un arbre. retour au texte

marc s.m.

(phonét. : mar ; le c ne se prononce et ne se lie jamais ; au plur. l's ne se lie pas : des mar entassés) s. m.
Résidu de fruits, d'herbes ou de toute autre substance qu'on a pressurée ou fait bouillir pour en retirer le suc.
Part. Bain de marc de raisin : bain tonique et fortifiant, conseillé quelquefois par les médecins. retour au texte

marcottage s.m.    

Multiplication des végétaux par le moyen des marcottes.
Marcotte s.f. Terme de jardinage. Branche tenant à l'arbre et couchée en terre afin qu'elle produise des racines. Il se dit aussi d'une racine à laquelle on fait pousser une tige, avant de la séparer de l'individu dont elle fait partie. retour au texte

millerandage s.m.    

Avortement partiel des raisins. La grappe est constituée de grains de toutes tailles.
Raisins millerands : raisins donnant des grains très petits, en grand nombre, et dépourvus de pépins. retour au texte

nouaison s.m.    

correspond au moment où le grain atteint la grosseur d'un petit pois. retour au texte

ouillage s.m.

Action d'ouiller, nommée aussi remplissage.
Ouiller : Ajouter du vin de même origine à celui qui a diminué dans les tonneaux par l'évaporation et l'extravasement de l'écume lors de la fermentation. Un bon vigneron doit ouiller chaque matin ses tonneaux jusqu'à ce qu'il n'en sorte plus d'écume. retour au texte
 
palisser

Étendre les branches des arbres contre un mur, les dresser à l'aide de loques, ou de jonc, ou d'osier, ou de clous, arrangeant chaque branche avec ordre selon sa place, et lui donnant une certaine inclinaison ou la ligne droite, afin que l'arbre ait une forme régulière. retour au texte

pampre s.m.
 
Tige de vigne couverte de feuilles et de grappes
Part. Feston de feuilles de vignes et de grappes de raisin, qui sert d'ornement à la colonne torse. retour au texte

provignage s.m.

Marcottage par le moyen de provins. Provin s.m. Rejeton d'un cep de vigne destiné au provignement. retour au texte

rafle s.f.    

Grappe de raisin qui n'a plus de grains.
Terme de botanique. Pédoncule central ou axe d'une grappe, principalement d'une grappe de raisin ou d'un épi. Quelques-uns disent raffe, et d'autres râpe. retour au texte

saints de glace

Saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais, dont les fêtes tombent au 11, 12 et 13 mai, jours auxquels, dans le centre de la France et de l'Allemagne, il se fait souvent sentir des froids insolites. retour au texte

sarment s.m.    

Bois de l'année sur la vigne. retour au texte

véraison s.m.

Moment où le grain gonfle et devient rouge vif ou jaune translucide.
Nom donné dans le midi au travail de maturation de la grappe de raisin qui la fait passer au noir. retour au texte

 


 

NOTES

[1] Ajout au texte par la Bibliothèque de la Gourmandise :

Monsieur Charles Legot, qui avait relancé dans les années 1960 la culture de la vigne dans le pays de Huy, qui fournissait de son « Clos du Bois Marie » le restaurant  « Comme chez soi» à Bruxelles, et qui présidait la société royale horticole et vinicole de Statte, est décédé en mars 2007.
Son vignoble de 1 600 pieds (à 60 % Muller-Thurgaut, 20 % Pinot Gris et 20 % Chardonnay) a été repris par Messieurs Alain Dirick (déjà producteur de vins de fruits à Verlaine), Frédéric Lepage et Marcel Mestrez (viticulteurs à Wanze) pour répondre à la demande de Madame Jenny Legot qui désirait qu'il reste dans des mains wallonnes et qui refusé diverses offres, notamment de Français. En 2010, ils ont obtenu l'AOC pour la deuxième année consécutive et ont produit pour la première fois le Marc de Huy Clos Bois Marie, titrant 46 % vol, résultant de la fermentation des drèches et distillé à Grâce-Hollogne.

L'appellation contrôlée wallonne A.O.C. "Côtes de Sambre et Meuse" et la dénomination "Vin de pays des jardins de Wallonie" existent depuis le 27 mai 2004. – retour au texte

 


 

BIBLIOGRAPHIE


Yves Renouil, Dictionnaire du vin, Féret et fils, Bordeaux, 1962
Jean Haust, Dictionnaire liégeois, H.Vaillant-Carmanne, Liège, 1933
Élisée Legros, La Viticulture Hutoise Etude ethnographique et dialectologique avec 40 illustrations, Ed. Musée wallon, Liège, 1948
[Collectif], Les Routes de La Treille, Didier Hatier, Bruxelles, 1990
[Collectif sous la direction de Jean-Marie Doucet], Histoire d'une ville Huy La cité vigneronne, Ville de Huy / Crédit communal, Huy, 1992
http://membres.lycos.fr/viticolehuy/
http://www.viniflem.be
http://www.vignes.be/
http://www.villers-la-vigne.net