Cuisine de guerre - Occidentale

Nicole Hanot
Documentation Charles-Xavier Ménage
Mise en ligne 1er avril 2014

Cet article est publié en prélude à l'exposition Cuisine de guerre qui se tiendra du 13 septembre au 2 novembre 2014 dans le Musée de la Gourmandise de Hermalle-sous-Huy.  L'accès aux visiteurs individuels se fera le samedi, de 14 à 19 h, et le dimanche, de 11 à 19 h.  En semaine, l'exposition ne sera visible que sur rendez-vous et pour des groupes de minimum 15 personnes. N.B. : les écoles et associations culturelles de l'Euregio Meuse-Rhin qui devraient franchir une zone linguistique pour venir à Hermalle peuvent bénéficier d'un subside de 250 € pour leurs frais de transports et l'entrée à l'exposition - info au 087/ 78 96 30, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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Prix d'entrée :

Visiteurs individuels, les samedis 14-19 h et dimanches 11-19 h : 5 €/adulte - 0 €/enfant <12 ans - 1,25 €/Article 27.
Groupes de minimum 15 personnes : 5 €/ personne, sur rendez-vous en semaine.

Cette exposition, et la soirée d'exploration gastronomique Manger comme… pendant la guerre qui se tiendra le 20 septembre à 19 h - sur réservation, le nombre de places étant limité -, sont organisées dans le cadre de la commémoration du Centenaire de la Première Guerre mondiale en province de Liège.

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Sommaire :

Introduction
Petit aperçu de la cuisine militaire
À la ville / à la campagne
Qui achète, paye - mais avec quoi ?
L’aide alimentaire
Succédané, ersatz
Des légumes oubliés ?
Pénuries d’ailleurs
Une conséquence à laquelle on pense peu
« On mangera bien au moins ? »
Notes
Orientation bibliographique complémentaire

 


 

Témoignages :

Visite très enrichissante avec plein d'anecdotes et beaucoup de documents !

Félicitations. Après beaucoup de visite sur le thème, je découvre un travail minutieux et riche. La guide passionnée et passionnante est d'une richesse édifiante.

Deux visiteurs de l'exposition – Journées du Patrimoine, 13 et 14/09/2014

Des objets militaires, propriétés du musée de la Gourmandise installé au même endroit ou prêtés par des collectionneurs privés, d’étonnantes photos aussi de Mata Hari confiées par les héritiers d’un photographe bruxellois complètent cette expo sur la Grande Guerre.
Une de plus en cette année commémorative mais assurément aussi, une des plus étonnantes..

Joël Matriche – « Les étonnants carnets de Marie Ladry » dans Le Soir, quotidien belge, 20/09/2014

 


 

Introduction

60 millions de soldats ont été engagés dans la Première Guerre mondiale et, en quatre ans, plus de 65 millions de personnes sont mortes – directement au combat, ou suite aux exactions commises par certaines armées, ou par génocide, révolution et pogroms, ou de faim, ou de maladie (la grippe espagnole et le typhus s’installant d’autant plus facilement dans les populations affaiblies que les gouvernements n’étaient pas en mesure d’intervenir). Le centenaire de ce conflit suscite la production d’articles, de reportages, d’émissions télévisées, de livres.   Cela va de soi – et « c’est de bonne guerre ».

« Évoquer la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui se sont battus pour la liberté durant les deux guerres mondiales » - thème des Journées 2014 du Patrimoine en Wallonie auxquelles notre musée participe -, c'est aussi traiter, pour nous, d'un aspect très terre à terre des conflits : la faim, que ces combattants ont dû affronter outre les canons, les balles et les corps à corps des combats. La faim, que les civils - résistants, réfractaires ou simples patients (au sens de ceux qui subissent) - ont dû endurer.

Célébrer la mémoire de ces gens, nous semble-t-il, c'est aussi rappeler les conditions difficiles de leur vie, et non seulement leur mort et la trace éventuelle de leur nom dans la pierre…

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Montage photographique pour l'annonce de l'exposition d'un manuscrit inédit racontant la vie à Hermalle-sous-Huy en 1914-1915. Le texte du manuscrit figurera dans l'exposition Cuisine de guerre.

Sans éluder le problème de l’alimentation des forces armées, nous laissons à d’autres le soin d’expliquer en détail comment les chefs d’armées ont trouvé le moyen de nourrir leurs troupes pour nous intéresser surtout aux problèmes alimentaires des civils européens, tout en généralisant le sujet. 

Car enfin, la cuisine de guerre ne concernerait que la Grande guerre ?  Et non les autres conflits  qui ont jalonné l’histoire européenne ?

L’Homme a parfois la mémoire courte…

Bien sûr, il se souvient des privations de 1940-1945 – ce qui explique, pendant la Guerre du Golfe de 1990-1991, une ruée des ménagères françaises sur le sucre (71 % d’achat supplémentaire), le riz (+ 43 %), l'huile (+ 37 %), les pâtes alimentaires (+ 30 %), la chicorée (+ 25 %) et les conserves de sardine (+ 22 %)… alors que cette guerre lointaine ne menaçait pas directement le sol national.1
Et les familles en 1939-1940 se souvenaient des difficultés de ravitaillement en 1914-1918.  
Et celles de 1914 étaient imprégnées de la famine connue pendant le conflit franco-prussien de 1870…

Ainsi, de guerre en guerre, un mécanisme d’engrangement de provisions se déclenche sans que pour autant nous ne nous soucions de connaitre les conditions de vie pendant les guerres des siècles passés.

À notre décharge, il faut reconnaitre que les historiens ont peu mis en évidence la difficulté de cuisiner pendant les conflits, se bornant généralement à dire que le pain manque, que la disette règne…  
Il faut aussi admettre que si l’on peut assez aisément imaginer les affres de la faim que connaissent les peuples de pays en guerre, on se figure rarement qu’un autre, non belligérant – et même connu pour sa sécurité et sa richesse –, puisse également subir les mêmes désagréments du fait des hostilités régnant chez ses voisins.  Nous démontrerons ici que ce fut pourtant le cas.

Petit aperçu de la cuisine militaire


La base du repas militaire est le pain depuis l’Antiquité égyptienne. Les soldats romains le confectionnent eux-mêmes à partir des céréales reçues puis ils en reçoivent de petites quantités déjà cuites. Mais on ne vit pas que de pain…

Les armées se servent le plus souvent sur le terrain, utilisant les vivres de la population civile, les payant… rarement avant la fin du XVIIe siècle.  

On conçoit évidemment qu’il est difficile, en des temps où les véhicules automoteurs n’existent pas et où les conserves ne sont pas en boites, de « trainer » derrière soi les quantités de nourriture indispensables à l’alimentation d’armées composées de centaines d’hommes au Moyen Âge, de quelques dizaines de milliers à la Renaissance, de centaines de milliers ensuite.
Le bétail sur pied est difficile à nourrir en déplacement, supporte mal les longs transports, perd poids et qualité, tombe malade et ralentit inévitablement l’allure.

D’autre part, vivre sur le pays ennemi présente le grand avantage de lui imposer plus facilement la paix lorsque ses ressources sont épuisées et que les mercenaires qui avaient éventuellement été engagés ont déserté, parce qu’ils sont payés pour se battre et non pour mourir de faim...

C’est donc le lot des contrées qui subissent la guerre que de fournir les aliments.
Et le devoir (très théorique) des officiers que de s’entendre avec les autorités locales pour réquisition et paiement, car il est essentiel – tant pour le maintien de l’ordre dans l’armée que pour l’efficacité de celle-ci au combat – de nourrir correctement des hommes qui doivent fournir un effort physique considérable et dont les repas constituent, outre la fourniture d’énergie indispensable, un soutien psychologique et moral tout aussi capital.

Au début du XIVe siècle, la monarchie française ne peut plus accepter que ses propres soldats pillent plus qu’ils ne réquisitionnent ; elle organise et finance par des impôts supplémentaires, qui vont devenir permanents, des services d’approvisionnement en les confiant à des marchands. 
Ceux-ci deviennent les vivandiers et munitionnaires qui fournissent les munitions, c’est-à-dire tout ce dont l’armée ou la garnison a besoin : poudre à canon comme viande, vin et ce « pain de munition » que le soldat va devoir payer lui-même jusqu’en 1700 alors que cette denrée coute plus cher que celle vendue au marché.  Et dès le règne d’Henri III (1574-1589), on ne lui fournit plus que cet aliment de base2 qui n’est pas toujours de bonne qualité, l’humidité et la chaleur pouvant créer des moisissures qui provoquent de fortes indispositions intestinales.

Si une ordonnance, sous Richelieu, au début du XVIIe siècle, indique que chaque soldat a droit à deux livres3 de pain (entre bis et blanc), une livre et demie de viande (moitié bœuf et moitié mouton), et trois chopines de vin local4 que chacun paie sur ses appointements ou sa solde – les ustensiles étant fournis gratuitement par les habitants – la réalité du terrain est bien souvent autre. 

« Au cours de la guerre de Trente Ans5, on atteignit le comble de la brutalité gratuite, illustrée par les eaux-fortes de Callot et par l'humour noir de la prose de Grimmelshausen. Pour survivre, les mercenaires devaient saigner à blanc les populations civiles. Pour la même raison, les civils dont on avait brûlé les maisons et massacré les familles devaient se faire mercenaires. On définissait alors le soldat comme un homme qui doit mourir pour trouver de quoi vivre. Sa condition n'était pas meilleure que celle du paysan qu'il torturait. Les armées étaient dans un état de déliquescence permanente ; elles semaient derrière elles les morts, les blessés, les malades, les traînards et les déserteurs, et choisissaient leur itinéraire non pas en fonction de calculs stratégiques, mais dans l'espoir de piller des régions encore intactes. »6

les miseres et les malheurs

Jacques Callot, Les Misères et les Malheurs de la guerre, gravure n° 4 : La Maraude, 1633.
Crédit d'image : Trou

Le pillage concerne tout un chacun.

Un soldat prussien, en 1792, établit un état des lieux de son armée, réputée pour sa discipline de fer : il note son état lamentable tant sur le plan des armes que de l’alimentation et que le seul moyen de manger, c’est de voler les vivres – ce qui est théoriquement interdit mais que les généraux ne peuvent empêcher – ; il précise que les soldats souffrent de diarrhée, de dysenterie car l’eau de boisson provient du fleuve où des femmes font la lessive et où flottent les cadavres de soldats et de chevaux.7
 
Pendant la campagne napoléonienne qui se termine à Waterloo/Braine l’Alleud, le ravitaillement est très couramment en retard sur la marche des troupes ; une ration de pain français distribuée pour trois jours étant souvent mangée le jour même, les soldats n’ont pour choix que d’utiliser les denrées civiles ou se passer de manger ; la maraude est normale et les villages se voient aussi délestés des meubles, linge, vêtements.
Les troupes des Pays-Bas volent même dans le quartier général de Wellington qui s’en plaint, bien qu’il ne puisse empêcher ses propres troupes, qui doivent normalement payer les denrées nécessaires, de faire de même.8 

L’état d’épuisement des villes que les armées dévastent tour à tour va jusqu’à modifier les plans de bataille car il ne sert à rien de vouloir conquérir ou tenir un lieu sans ressources.9

D’autre part, une organisation en magasin central, magasin de division, dépôts, comme elle fut pratiquée par les Révolutionnaires français par exemple, si elle permet théoriquement un ravitaillement raisonnable, pose le problème du temps d’évacuation lors de l’avance de l’armée adverse…10  Et, de toute façon, il faut avoir de quoi nourrir les chevaux et mulets qui tractent les fourgons.

Les femmes ne sont pas absentes des armées. On a peu gardé mémoire de celles qui, du Moyen Âge au XVIIe siècle, firent le guet – en habits de femme comme d’hommes –, de celles qui accompagnèrent leurs maris et prirent les armes (piques, épées, arquebuses) ou manièrent le canon à leur place.11 
On se souvient davantage de la cantinière, mariée ou non à un cantinier, parfois aussi appelée vivandière12 ; son métier était de vendre aliments, boissons, tabac et produits de nécessité (lacets, boutons, vinaigre pour couper l’eau, etc.) allant, de la Révolution française à la fin du XIXe siècle, jusqu’au papier à lettre décoré de vignettes imprimées (d’abord par gravure sur bois et souvent coloriées à la main, puis au pochoir) – les « lettres de cantinières ».
On retrouve ces femmes tant dans les armées françaises qu’anglaises.13

« La cantinière a pour suivre les troupes une petite charrette, attelée d’un ou deux chevaux ; c’est dans cet équipage que, lors des manœuvres, elle se rend sur le terrain. Pendant le repos, elle débite aux officiers et aux soldats son tabac et ses liqueurs. En campagne, elle se dévoue pour son régiment ; plus d’une fois, au fort de la bataille, on l’a vue aller de rang en rang porter la goutte aux soldats, et braver la mitraille pour aller donner un peu d’eau aux blessés. Elle ne compte pas, ces jours-là, elle ne vend pas, elle donne. »14


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Lithographie représentant la danseuse Fanny Cerrito dans le rôle de la Vivandière, 1846.

Le personnage de la cantinière ou vivandière a été abondamment utilisé, au XIXe siècle,
dans la littérature, le théâtre, le ballet, la chanson.
Crédit d'image : Mandariine

La « goutte »…
L’alcool qui redonne courage et dont on distribue des rations avant et pendant les batailles au point que parfois, les hommes montent au combat totalement ivres.15   

Toutes les armées l’utilisent, y compris la belge qui offre à chaque soldat 2,5 cl d’eau-de-vie par jour à ceux qui se trouvent dans les tranchées, entre le 24 décembre 1916 et le 29 avril 1917, qui en distribue pendant les offensives de septembre à novembre 1918.

L’alcool encore qui permet de passer le temps… « S’enivrer semble être pour beaucoup de soldats la seule occupation intéressante en repos.  L’alcool est pour eux un dérivatif à l’ennui. »  De fait, il y a ces nombreux moments où, hormis les exercices et les inspections, le soldat est désœuvré.  Si certains en profitent pour réaliser des porteplumes, coupe-papiers, briquets avec des douilles vides, pour jouer aux cartes, pour faire de la musique, pour écrire chansons, poèmes, comptes rendus ou lettres pour la famille, beaucoup prennent d’assaut les cafés du patelin et s’enivrent.16   

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Mackey, Haydn Reynolds, L'estaminet, 1918
Crédit d'image :

Il y a pourtant d’autres aliments que le pain de base.

Au XVIIIe siècle, le monde anglo-saxon utilise des portable soup (tablettes de soupe desséchée) que les Russes vont aussi fabriquer au XIXe, époque où l’américain Gail Borden commercialise les meat-biscuits, pâte cuite au four composée de bouillon de bœuf décanté, dégraissé, réduit en sirop et mélangé à de la farine de froment ; ils se mangent secs, ou concassés et recuits pendant une demi-heure dans de l’eau bouillante – un extrait de viande avant la lettre.

L’invention, par Nicolas Appert en 1795, de la conserve stérilisée (« appertisée », dit-on alors) en bocaux puis en boites métalliques modifie l’alimentation des troupes terrestres comme maritimes. On va désormais utiliser le bœuf salé en conserve – le corned-beef – dans toutes les armées du monde.

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Croquis de soldats - dont l'un se prépare du corned-beef - par Cyrus Leroy Baldridge, 1919.
Crédit d'image : Nick0252

Get in line!
For rice, pay-day, pills, and ration,
For corned-willy, army fashion,
In Hoboken, in the trenches,
In a station with the Frenchies,
In a line.17
En file !
Pour du riz, le jour de paie, des pilules, et la ration,
Pour le corned-willy, la mode de l'armée,
À Hoboken, dans les tranchées,
Dans un poste avec les Français,
Dans une file.

Cette nouvelle denrée, que le soldat aime peu… – « ces viandes gélatineuses, cuites dans leur jus, ne sauraient remplacer ni la viande fraiche bouillie, ni surtout la viande rôtie »18  –  fait le bonheur des industriels de la viande comme, à Chicago, la Morris & Co qui fournit l'armée de l'Union durant la guerre de Sécession et  la Libby, McNeill & Libby, qui lance en 1875 une forme de boite trapézoïdale qui subsiste jusqu'au XXIe siècle, ou comme encore la Liebig Extract of Meat Company de Justus von Liebig et du Belge George Christian Giebert, qui commercialise sous la marque « Fray Bentos » car elle est implantée dans le port du même nom. À la fin du XIXe siècle, le corned-beef va même constituer  une denrée d'échange pour l'obtention du cola qui sert à la fabrication du Coca-Cola.

Ce « singe » est utilisé dans l'armée du général conquérant du Soudan français (actuel Mali) Louis Archinard19  et le lieutenant Baratier20 écrit :

« Pendant six mois nous allions toucher journellement 300 gr de ce conglomérat de viande rougeâtre coupé de filaments graisseux. À cette époque nous pouvions encore avoir l'illusion que le corned beef était du bœuf ! Depuis le fameux procès intenté à l'usine américaine, je me suis souvent demandé de quoi nous avions vécu et pour quelle proportion dans ces 54 kg, tous ceux qui se trouvaient à la colonne avaient droit au titre d'anthropophages sans le savoir ! »21

Effectivement, l’appât du gain a entrainé les industriels à utiliser… de tout pour leur production : déchets de fabrication, rats, viande de bœufs tuberculeux et chair des ouvriers tombés dans les cuves géantes de préparation des produits !  Le scandale est dénoncé en 1904, par le journaliste Upton Sinclair qui publie La Jungle, en 1906 ; il provoque cette année-là la création du Pure Food and Drug Act, un premier pas pour la protection des consommateurs.

On mange encore autre chose que de la conserve à l’armée, et un manuel publié en 1909 dans le Bulletin officiel du Ministère de la Guerre français22 permet de s’en faire une idée :
Il donne des recettes pour 4 personnes, avec temps de préparation et quantités (l’unité étant le kilogramme ou la gamelle du soldat et la cuiller) minutieusement indiqués de telle sorte que les hommes puissent bénéficier

  • d’« un repas du matin qui comprendra généralement le quart de café avec du pain et qui sera, si possible, augmenté d'une soupe, cuite la veille de préférence et réchauffée avant le départ ou maintenue chaude toute la nuit; »
  • d’« un repas de midi pris à la grand'halte ou au cantonnement; »
  • d’ « un repas du soir. Ce repas sera le plus substantiel. On s'efforcera de le faire meilleur et abondant. De lui dérivera en partie le repas de la grand'halte du lendemain; Il y a également lieu de prévoir, dans le cas où le repas du soir ne pourrait être servi qu'à une heure trop tardive, une collation composée, suivant les ressources dont on dispose, d'aliments froids ou rapidement préparés. »

Il est précisé, dès l’introduction signée par le sous-secrétaire d'État au ministère de la guerre, Henry Chéron :

« Les unités cantonnées devront avoir recours, toutes les fois que la chose sera possible, au matériel prêté par les habitants.
On cherchera en particulier à utiliser les ustensiles à grande capacité et on s'efforcera de faire la cuisine pour une section, un peloton et même la compagnie entière. -
Toutefois, les ustensiles ayant pu servir à divers usages autres que des préparations alimentaires (lessives, sulfatages, etc.), il est indispensable de toujours les nettoyer avec soin avant de les utiliser.
Ce système employé à propos offre de multiples avantages :
1° Il accorde aux hommes le maximum de repos par la réduction du nombre des cuisiniers;
2° Il assure une meilleure répartition des aliments par une utilisation plus rationnelle des denrées confiées en principe aux cuisiniers du temps de paix;
3° Il procure une économie notable du combustible;
4° Il permet une surveillance plus efficace de la part des officiers;
5° Dans les troupes à pied, il facilite la confection des havresacs dès le soir après le repas.
Si les ressources du cantonnement de l'unité ne permettent pas d'utiliser exclusivement du matériel prêté par les habitants, le fourrier ou le caporal du campement réservera un ou deux récipients de grande capacité pour la cuisson en bloc des légumes secs, du riz, des pommes de terre, etc.
La mise en train et la surveillance de la cuisson seront confiées à un des cuisiniers en fonction. Les caporaux enverront chercher les légumes ainsi cuits à l'heure du repas, dans les ustensiles de l'escouade.
Cette façon d'opérer donnera d'excellents résultats en manœuvres notamment, où le caporal d'ordinaire fait souvent partie du campement et où il peut faire mettre en train ces légumes qui, de la sorte, seront cuits en même temps que la soupe.
(…) la préparation des aliments doit être considérée, quel que soit le fractionnement de l'unité, comme une des obligations les plus impérieuses et les plus essentielles de la vie de campagne. »

En résumé, le manuel prescrit de faire d’abord du feu – logique ! mais encore faut-il avoir du bois assez sec… – entre deux ou quatre pierres pour poser les marmites ou, à défaut de pierres, dans une étroite tranchée, puis de faire la soupe (14 recettes, durée moyenne 1 h 30) en tenant compte de ce que le couvercle de la marmite peut permettre de faire bouillir de l’eau en plus ou de faire cuire des pommes de terre ; la dernière recette de potage est celle du bouillon d’os car toutes les viandes fournies – sauf celle en boite – doivent être désossées par le soldat cuisinier.

Suivent sept recettes à base de viande :

  1. Bœuf de conserve aux haricots blancs – pour lequel il est indispensable de ne pas avoir perdu son chef d’escouade, seul muni d’un couteau à ouvrir les boites de conserves,
  2. Potée aux choux – dont il est précisé que cela fait un repas complet avec lard, ognons, carottes, pommes de terre, chou émincé, pain de guerre,
  3. Ragout de bœuf à l'Anglaise – avec ognons, carottes, pommes de terre,
  4. Bœuf à la Crécy – avec saindoux, ognons, carottes, farine,
  5. Carbonnade de bœuf à la Lyonnaise – avec ognons, saindoux ou lard, pain de guerre broyé en poudre aussi fine que possible,
  6. Pilaf de bœuf à la Française – avec saindoux, riz et ognon, mouton et cheval «  très comestible et très nourrissante [qui] ne fera pas défaut en campagne et [dont] il est à prévoir qu'elle remplacera souvent les autres viandes » ; il faut qu’elle ait été abattue la veille.
  7. De façon générale, la cuisson rapide des viandes s’obtient en 8 minutes par tranchage de bandes minces que l’on bat avec le dos de la bêche ou le plat de la pelle-bêche.

Cinq de ces recettes utilisent de la viande fraiche ; pour son transport, le gouvernement français réquisitionne certains bus parisiens et des camions au début de la Première Guerre mondiale ; soixante-trois sections de ravitaillement en viande fraiche (RVF) sont créées et un concours lancé pour doter les véhicules d'un emblème. L'illustrateur Benjamin Rabier, alors âgé de 50 ans et fort connu, le remporte avec un dessin de tête de vache qui rit. Cette figure hilare va être surnommée « Wachkyrie » par allusion aux Walkyries, popularisées par un opéra de Richard Wagner et qui servaient d'emblème aux transports de troupes allemandes.
En 1921, le soldat Léon Bel, de métier affineur de fromage Comté et qui avait été affecté au RVF, reprend l'image pour un fromage fondu qu'il veut lancer ; Rabier retravaille le dessin original et ajoute des boucles d'oreilles à la vache. Le succès ne s'est pas démenti jusqu'à nos jours.

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La Wachkyrie…   revue et corrigée

 

Neuf autres recettes du manuel français de 1909 concernent légumes  et farine :

  1. Haricots blancs au lard dont on lave tous les ingrédients,
  2. Pommes de terre au lard,
  3. Pommes de terre rissolées et
  4. Pommes de terre au lard ou rata rapide fait avec les pommes de terre de la veille,
  5. Pommes de terre à la paysanne à préparer la veille,
  6. Riz qu’il faut d’abord trier pour en ôter les graviers « à la chinoise », donc à l’eau avec éventuel ajout de saindoux,
  7. Crêpes à la lorraine composées de saindoux, farine, sel et eau,
  8. Quenelles de farine et
  9. Roussettes ou beignets de campagne.

Une recette de pain sans levain dont on étale la pâte avec un manche d'outil ou une bouteille vide précède les boissons :

  1. café (8 gr/personne qu’il faut préalablement moudre puis verser dans l’eau bouillante et filtrer avec une passoire, une flanelle ou un linge humide),
  2. thé (normal, allongé ou économique),
  3. eau.

Un procédé pour conserver soupe ou café chaud pendant la nuit termine le volume : on dépose des braises chaudes dans un trou, on pose dessus une marmite entourée de paille et remplie du liquide bouillant et on comble l’excavation de terre. « Après dix à onze heures de nuit très fraîche, la température variant de — 8 degrés à + 10 degrés, celle du café est de 50 degrés et même 60 degrés, c'est-à-dire très suffisante pour en faire une boisson réconfortante. »

Précisons à l’intention de ceux que l’environnement intéresse particulièrement que l’ouvrage indique encore :

« Le nettoyage se fera au moyen de papiers, de chiffons, d'herbes, de feuilles, de bouchons de paille, etc. - Quand tout sera terminé, les foyers seront éteints soigneusement et il sera procédé à la toilette des abords qui devront toujours être débarrassés des épluchures, croûtes, etc.
Ces détritus seront portés soit à l'endroit indiqué par les habitants, soit aux feuillées, soit tout simplement enfouis si on est à la grand'halte. Si des ustensiles ont été empruntés, ils seront remis aux habitants par le caporal ou le chef d'escouade et cette remise sera toujours accompagnée d'un remerciement.
En suivant ces conseils, aux manœuvres notamment, les troupes trouveront toujours dans les localités où elles séjourneront le meilleur accueil de la part des populations et l'empressement le plus sincère à augmenter le bien-être du soldat. » N.d.l.r. : Ah ouiche ! Il faut vraiment y croire au bon accueil…

 

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En haut : carte postale allemande présentant les cuisiniers et leurs « roulantes », 1914 - Crédit d'auteur : Semnoz
En bas : photo d'une cantine allemande en opérations ; l'inscription sur la tente signifie
« Aviateurs anglais, prudence ! Canon de défense de la faim » - Crédit d'image : BArchBot

 

Beaucoup de pommes de terre, donc pour les militaires français, même si une note ministérielle du 14 janvier 1887 prévoyait d'apporter « une certaine variété dans la composition des approvisionnements de légumes secs et décidait que, en principe, ces approvisionnements comprendraient, à l'avenir, des lentilles dans la proportion de moitié (l'autre moitié continuant à être constituée en haricots). »
En principe… car les restrictions étaient déjà prévues :  « L'application de cette mesure sera toutefois subordonnée à la possibilité de se procurer, dans les diverses places, ou de se faire expédier sur elles les quantités nécessaires, dans les mêmes conditions de prix d'achat ou de prix de revient que les haricots. Dans le cas où il devrait résulter de l'application de cette mesure une augmentation de dépense, l'approvisionnement serait constitué tout entier en haricots. »

Les Belges les connaissaient bien, les haricots :

« Les zharicots sont entrés en guerre avant les Etats-Unis, Cuba et le Brésil et personne ne leur en a su gré. Ah! s'ils avaient pu rester neutres, ceux-là ! C'est que nous, le peuple de « jasses », préférions conserver comme alliés directs nos sincères, réconfortantes et savoureuses papates... » - Lire la suite dans notre autre article.

zharicots

 

Pourtant chaque soldat belge avait droit à 700 gr de pain, 400 gr de viande fraiche ou en conserve, 75 gr de fromage, 35 gr de café, 5 gr de chicorée, 20 gr de sucre, 0,5 gr de poivre, 25 gr de sel, 45 gr de margarine ou de lard, 25 gr seulement de haricots blancs ou de petits pois ou 40 gr de riz, 20 gr de tabac ou 5 cigarettes… qu’il ne fut évidemment pas possible de lui donner, surtout entre le 15 et le 31 octobre 1914, durant la bataille de l’Yser, car la Belgique n’était pas préparée à la guerre et que les inondations rendaient l’acheminement des vivres fort difficile.

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Crédit d'image : Olnnu


Si les autorités ont toujours affirmé que « notre armée ne souffrit jamais de la faim », les carnets de fantassins répètent tous la même chose : « on meurt de faim et de soif » !
Et comme, lorsqu’ils ne sont pas au front, les hommes ne trouvent plus rien dans les magasins, ils vident les fermes et les caves des particuliers, mangent ce qu’ils trouvent et parfois même la viande crue, boivent l’eau croupie des fossés comme ils ont bu celle des tranchées – ce qui les rend évidemment malades.
Après l’Yser, la situation s’améliore un tout petit peu : certains commandent avec un délai de trois jours des extras qui arrivent de Dunkerque par camions et qui font la fortune des chauffeurs, d'autres reçoivent des colis envoyés par la famille, mais les jass, dans leur grande majorité, ont leurs parents en Belgique occupée ce qui rend plus difficile que pour leurs collègues français l'acheminement des paquets et du courrier qui constitue un soutien moral important.23

À la ville / à la campagne


On l’a compris à la lecture de ce qui précède, toute guerre est dévastatrice sur le plan alimentaire pour les populations civiles.

Si les conflits se cumulent à de mauvaises récoltes, dues à la sècheresse ou à de trop abondantes et longues pluies, ou aux épidémies, les populations sont décimées comme cela s’est passé au XIVe siècle où l’Europe est en butte à la peste en même temps qu’aux guerres locales et aux rivalités féodales. 
Un cercle vicieux est en place : on manque de nourriture et elle est de plus en plus chère, on fait du pain en mélangeant des fèves, de l’orge et les grains qu’on trouve, on s’affaiblit, on tombe malade et donc on ne produit plus… Ne restent que la prière – « De toute épidémie, de la peste et de la famine, de la guerre et du meurtre, et de la mort subite, Seigneur, délivre-nous. »24, « Daignez, bienheureux saint Roch, détourner loin de nous la peste, la famine, la guerre et tous les fléaux de Dieu, exaucez-nous »25 ou une réaction forte des pouvoirs publics.

La priorité des autorités est souvent de tenter d’alimenter les populations citadines, plus susceptibles de révoltes que celles des campagnes. Et plus une ville médiévale est grande et puissante, plus vite elle enraye la famine par des importations – comme Bruges qui fit venir des céréales méditerranéennes en 1317.26  

Dans les campagnes, les populations affaiblies et pillées en sont réduites à manger de l’herbe et du son, les glands grillés, les escargots, les chats, les rats, les bêtes crevées.
Mais les historiens relèvent que les guerres ont eu des conséquences positives pour le monde rural sur le long terme : elles l’ont obligé à se structurer, à s’organiser, à apprendre à écrire et compter, à développer son activité.

« Entre le Moyen Âge et la fin de l’Ancien Régime, l’ambivalence de la position des villageois face à la guerre ne cesse de s’amplifier : matériellement et humainement le prix à payer est toujours lourd, mais les gains ne sont pas négligeables, en termes d’autonomie et de conscience politique et sociale. Pour une véritable conclusion, il faudrait se projeter jusqu’en août 1914 ; la Première Guerre mondiale fut aussi la dernière guerre des paysans.  La « fin des campagnes » n’était plus très loin lorsque M. Genevoix pouvait écrire des poilus de Verdun : « Plus qu’ailleurs, ils eurent la certitude d’avoir été, pendant ces mois tragiques, les gardiens de la terre. » »27 

Le problème alimentaire, en Belgique et en 1914-1918, apparait dès le tout début de la guerre.

L’une des premières denrées à manquer est… la levure.
Écume qui se forme pendant la fermentation de la bière, la levure est devenue indispensable à la boulangerie et la Belgique, connue pour ses multiples brasseries, en est un fournisseur apprécié tant des Français que des Anglais. En 1914, le pays est le seul fournisseur de l’Angleterre en levure et l’invasion allemande va obliger les distillateurs écossais, par ailleurs handicapés par les restrictions en grains réservés au pain, à « développer fortement la production de leur usine de fabrication de levure destinée au levain du pain ! »Julien  Le rappel des ouvriers par l’armée, la fuite des moines trappistes vers les Pays-Bas neutresWestmalle, la réquisition des tonneaux pour la construction de ponts flottants sur les fleuvesAdW, l'occupation des locaux par les soldats provoquent le ralentissement ou l’arrêt des brasseries dont le matériel va être récupéré par l’occupant : chaudières de cuivre, alambics, cuves de fermentationBrion, charriots, chevaux. En 1920, il ne restera que 2013 brasseries en activité contre les 3223 qui travaillaient en 1900Stevens… produisant 14 617 000 hectolitres et alimentant 185 036 débits de boissons (1 pour 32 habitants).

Donc la levure… pour le pain et la pâtisserie dont les Belges sont friands ; dès les premiers jours d’aout, le colonel Naessens qui prépare le fort de Loncin à la défense n’en trouve plus et doit envoyer chercher un boulanger qui travaille au levain pour instruire ses hommes d’une autre manière de faire du painNaessens; le 14 aout, la levure est la grosse question du jour pour les Liégeois.

Dans le village de Hermalle-sous-Huy, on mange du pain sans levure à peine 20 jours après le début des hostilités ; deux mois plus tard, on ne mange que du pain noir.
Dès septembre un bureau de bienfaisance se réunit avec le conseil communal pour régler les questions concernant la vente des vivres et les secours aux indigents.
Le 7 janvier 1915, la commune n’a plus de farine. 
Les fermes villageoises cultivent la pomme de terre mais en février 1915, la commune qui en manque envoie un homme en acheter 8 tonnes à Melreux (à un bon 50 km de distance) ; il en revient la charrette vide comme deux autres acheteurs qui, ensemble en voulaient 40 tonnes car les soldats allemands, révolver au poing, en ont interdit l’achat.28

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L. Rom, Notre dernière papate !, avril 1916
Crédit d'image : Alain Wilket, du magasin Ambiance à Liège


Or la pomme de terre, c’est, autant que le pain, l’aliment de base depuis bien longtemps en Europe !

Cultivée depuis 8000 ans au Pérou, ramenée en Europe par les Espagnols qui découvrent le Nouveau Monde, elle a charmé dès le XVIIe siècle les populations des pays actuellement dénommés Espagne, Italie, Suisse, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Irlande, et s’est révélée totalement populaire en raison de sa facilité d’adaptation aux climats et aux terre et par le fait qu’elle nourrit aussi bien le bétail que l’Humain.  Si certaines contrées de France la cultivent, elle reste cependant suspecte aux yeux de beaucoup et il faut attendre 1772 pour que la Faculté de médecine la déclare sans danger… mais ce n’est qu’après la disette de 1816-1817 qu’elle connait sa véritable expansion française.

La pénurie de patates qui s’installe en 1914, notamment à cause des réquisitions allemandes, est donc dramatique et va provoquer un humour grinçant :

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La maison d’édition Halleux était une des plus importantes maisons d’édition en matière de chanson et textes d’humour dialectaux ;
elle tenait librairie au 27 rue Saint-Gilles.  Ses membres se sont illustrés dans la chanson : Henri Halleux, Charles Halleux,
Joseph Halleux père et Joseph Halleux fils.

 

Oui, il y a des indigents au village, mais les fermiers s’en sortent plutôt bien lorsqu’ils sont obligés de vendre beurre, foin, paille, charriot, mulets.  Un manuscrit de l’endroit et de cette époque précise

« La conduite de la population a été digne en ce qui concerne ses rapports avec l’occupant : les ouvriers ont refusé le travail offert par les Boches. Quelques Judas naturellement ont accepté de gros salaires pour le déboisement de notre vallée.  Mais les cultivateurs, par une soif exécrable de l’or, substituent aux cultures de froment les semis de féverolles et le fermier le plus important du village (…) pousse la lâcheté plus loin encore : il sème l’orge pour ravitailler les Boches. »

L’image du « bon fermier profiteur » s’installe pour longtemps !

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En mars 2014, une visiteuse du musée de la Gourmandise a longuement regardé ce tableau naïf, le considérant comme l’expression de la réalité, précisant aussi que sa mère ne pouvait « plus supporter les fermiers » car elle avait connu la famine et que sa propre mère, donnant la plus grande partie de sa ration aux enfants, était morte de faim pendant la guerre…

 

Il va de soi qu’au XXe siècle, on peut plus aisément vivre en autarcie à la campagne qu’en ville – le jardin y est potager et fruitier et non d’agrément, les poules de l’enclos fournissent des œufs et le porc, que l’Afsca n’interdit pas encore de tuer soi-même, la viande à saler. 
Cela va faire l’envie des citadins pauvres, réduits à la portion congrüe et quasiment à la mendicité, mais cela n’implique évidemment pas que tous les campagnards disposent de vivres en abondance ni que tous les fermiers maquignonnent, même si la tendance naturelle de l’Homme est de tirer profit d’une situation. 

Les « profiteurs de guerre » ont autant été des groupes d’intérêts (comme la Compagnie des Indes orientales au XVIIIe siècle), des « majors » de l’industrie (comme Opel et IBM pendant le Troisième Reich), des complexes militaro-industriels, que des individus qui, en bons « saigneurs de la guerre »29, se servirent de la guerre pour augmenter leur fortune. 
Il est cependant plus facile de se souvenir du commerçant véreux avec lequel on a été en contact que d’analyser le comportement de ceux qui tirent les ficelles, de bien plus loin. D’autant qu’on se tape les files interminables dans les villes pour tenter d’avoir un peu de combustible, un peu de haricots, un peu de pain sans être certain qu’arrivé à la porte du magasin, il y aura encore quelque chose à acheter.30 

Certains voient aussi les choses différemment :

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Le fermier belge, représenté comme résistant à l'envahisseur allemand. Caricature politique
parue le 12 aout 1914, pendant la résistance des forts de Liège.
Crédit d'image : Jheald

 

Un assiégé français a fait publier le 25 février 1874 une affiche in memoriam des « spéculateurs conjurés pour ruiner le peuple de Paris liés au pilori ». Ce souvenir du siège de 1870 & 1871 précise : « Sans doute que le Gouvernement de la Défense nationale, en négligeant d’établir une taxe sur toutes les denrées dès le début du siège, a cru pouvoir compter sur l’équité, sur la conscience et sur le patriotisme des commerçants.  Les chiffres suivants prouvent combien il s’est trompé, et à quel degré l’infamie de certains industriels a pu s’élever ! » 

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De fait, les chiffres de cette affiche sont éloquents :

  • L’œuf frais se vend à 3 fr pièce comme la carotte, le navet le pied de cèleri et l’escarolle31 étant à peine moins chers (2,50 fr) mais le chou ordinaire vaut 18 fr, le boisseau32 de pommes de terre (légume peu courant à Paris à cette époque33) 50 fr et celui du simple ognon 80 frs ! 
  • En volaille, la poule vaut 50 fr/pièce, le poulet 60 fr et la dinde 190 fr tandis que le corbeau semble plus abordable (6 frs) tant qu’on ignore que le corbeau est immangeable, même après des heures et des heures de cuisson, tant il est dur !34  Cela n’empêche que pendant la guerre de 1914, l’Office de ravitaillement de certaines villes allemandes fait admettre les jeunes corbeaux sur les marchés.
  • Pas de poisson hormis la boite de sardines à 15 fr/pièce.
  • 500 gr de sucre font 2 fr, autant de chocolat 5 fr, de riz 2 fr et de gruyère… 30 fr.
  • Pour la viande, il faut comparer 500 gr de lard (25 fr) à la même quantité de jambon (50 fr) ou de mouton qui coute, comme la viande d’âne 12 fr ; pas de bœuf ni de porc… mais du chien (8 fr/ 500 gr), du chat (25 fr pièce) et du rat (3fr pièce).

Encore fallait-il cuire cela et les autres denrées (comme le bouillon consommé en boite à base de colle de peau : 1 fr/500 gr), et donc acheter bois ou charbon : 1 hectolitre de coke (donc l’équivalent de 4 sacs de 25 kg actuels) qui valait 1 fr 80 avant le siège passe à 18 fr…

Les citadins peuvent donc être difficilement autarciques…  Dès la fin juillet 1914, à Liège, ils se sont rués dans les magasins pour acheter par dizaine de kilos à la fois les denrées les moins périssables : savon, pois, haricots, 25 farine, etc. Certains n’en ont pas oublié les condiments pour autant et ont raflé les câpres.  Le bétail, réquisitionné par la ville est parqué au champ de manœuvres de Bressoux.

  • Le 1er aout, un commerçant est obligé « de fermer le magasin afin d’empêcher les aimables clients de se servir eux-mêmes. Il tient la porte et on entre par petites fournées » Dans les jours qui suivent, la ruée se poursuit et certaines femmes se présentent avec des malles.
  • Dès le 5 aout, il y a pénurie de pois et haricots dans les magasins ; plus de lait distribué par les marchandes dans la rue. Le bétail rassemblé à Bressoux, affolé par le bruit des tirs, s’égaille ; celui qui est tué par les bombes est récupéré pour être salé.
  • Le 11, la ville annonce aux bouchers et charcutiers que la viande qui se trouve dans ses frigos sera mise en vente. En quatre jours le prix demandé par certains pour les pommes de terre est passé de 0,20 frs à 0,70 frs le kg ; il manque de mains pour traire les vaches à l’abattoir.
  • Le 13, il est difficile d’obtenir plus de 3 kg de pommes de terre à la fois, difficile d’avoir du pétrole mais les officiers allemands qui sont logés chez des particuliers veulent poulets et gros filet de bœuf sauce Madère…
  • Le 14, « on ne rencontre que des femmes allant aux provisions. C’est d’ailleurs la seule préoccupation : c’est la mangeaille. »[Nahoé].

Et ce n’est que le tout début d’une guerre qui va durer 4 ans…

Le problème du combustible se pose rapidement, pour la préparation des repas et pour la vaisselle mais aussi simplement pour lutter contre le froid.   

Depuis le XVIIIe siècle, nombre de logements ont été construits avec de multiples cheminées pour pouvoir chauffer au bois un maximum de pièces dans une habitation, ce qui ne plait d’ailleurs pas à tout le monde35 ; les feux ouverts ont progressivement été fermés pour accueillir les poêles en fonte de fer comme ceux produits dans l’usine Nestor Martin de Huy et qui ont acquis une renommée internationale. Poêles et cuisinières vont être alimentés au bois, puis au charbon « de terre »36, enfin au gaz.  

La qualité du combustible, même en temps de paix, est variable selon les moyens de chacun ; ainsi les pauvres, dans le pays de Liège et encore à la mi-vingtième siècle37, ne pouvant se payer de l’anthracite ou même des boulets, ont pour habitude d’aller grappiller la fouwaye (poussier de charbon) sur les terrils avoisinants pour ensuite tripler dès hotchèts (mélanger le poussier à de la glaise en le piétinant) et le mouler en forme de briquette (le hotchèt).38

La raréfaction du combustible – la production diminuant par manque de bras et les Allemands réquisitionnant évidemment le charbon pour alimenter leurs complexes militaro-industriels – oblige les gens à se chauffer au minimum.

En 1917, l’hiver est rude et bien des gens se plaignent des engelures.
On retrouve les gestes d’antan : à la lumière de bougie, chandelle, mèches plongées dans le saindoux, lampe à huile, se blottir près du seul poêle qui fonctionne encore, dormir avec pull et chaussettes, et terminer les cuissons « à la marmite norvégienne » : après avoir porté le mets à ébullition, on place la marmite bien fermée dans une caisse ou une boite car carton où on l’entoure et la recouvre de papier journal, de paille, de lainage, de tout ce qui peut servir d’isolant avant de refermer la caisse et de laisser la cuisson se poursuivre sans combustible. Cette méthode cuisson à l’étouffée existe depuis bien longtemps : dans les campagnes, il était courant de placer la marmite sous la couette dans la paille pour que le repas soit prêt au retour des champs. « Caisse à cuire » et « caisse à foin » sont d’autres appellations pour un mode de cuisson ancestral qu’un Norvégien fut l'un des premiers à faire breveter à la fin du XIXe siècle.

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Anderson, William McDougall, Intérieur d'une ferme française, 18 janvier 1917
Crédit d'image :

Qui achète, paye - mais avec quoi ?


Dès le début de la Première guerre mondiale, le billet de banque n’est plus convertible, la Banque nationale de Belgique met ses billets à émettre et sa réserve d’or en sureté à Londres, le public thésaurise la monnaie. Les aliments vont vite manquer, mais aussi l’argent pour les acheter.

Des communes, des associations, des industries vont émettre des monnaies privées, qu’on appelle communément monnaies de nécessité, pour compléter la masse monétaire nécessaire.  Cette pratique n’est pas nouvelle : les anciens Romains l’utilisaient déjà. Au XVIIIe siècle, les États-Unis, la France et la Suède y ont recouru, et le Canada au XIXe siècle.  
Cette monnaie se présente sous diverses formes selon les cas : bon en papier, jeton métallique, carton ; elle s’apparente aux méreaux distribués dès le Moyen Âge – lire notre article sur les jetons alimentaires.  
Dès le 20 aout, la ville de Liège a dû annoncer la création d’un million de billets de 5 frs, garantis par plusieurs banques dont l’échéance sera le 28 février 1915. Elle sera suivie par quelques 600 autres communes belges.

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Monnaie de nécessité émise par la commune de Hermalle-sous-Huy en janvier 1915.
Crédit d'image : Musée de la Banque nationale de Belgique


Le troc permet parfois de se passer d'argent.  Les cartes de rationnement aussi, que l'on échange, dans les services administratifs ou dans les magasins, contre certaines denrées.  Celles-ci ne sont pas vraiment de qualité et ne correspondent parfois pas à ce dont la population a réellement besoin.

D'autre part, ces cartes sont ôtées à ceux qui se montrent réfractaires au travail forcé pour l'occupant.  Forcé, car si les Allemands en 1914 souhaitent un travail volontaire des Belges, ceux-ci refusent généralement. Et en 1942, l'occupant impose aux hommes de 18 à 50 ans et aux femmes de 21 à 35 ans le travail obligatoire ; nombre de Belges entrent alors dans la clandestinité - des bouches qui doivent être nourries pourtant…

Les cartes de rationnement ne concernent pas que les pays occupés : dès 1915, elles sont imposées par exemple aux familles allemandes et les denrées n'étant pas toujours disponibles, les manifestations de femmes vont se multiplier à Berlin, Aix-la-Chapelle, Leipzig, Munster, Hanovre…Cochet

Il faut aussi se rappeler que l'arrêt d'une guerre ne met pas directement fin aux situations de crises alimentaires.  Le rationnement se poursuit donc pendant plusieurs années - jusqu'à ce que l'économie se stabilise, et que l'augmentation du pouvoir d'achat des populations lui permette de compenser la hausse des prix qu'a provoquée le conflit.Beltrao 

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Carte de rationnement allemande datant de 1958.
Crédit d'image : BArchBot



L’aide alimentaire


En 1914, la Belgique, qui est l’un des pays les plus urbanisés d'Europe, produit à peine un quart de ses besoins alimentaires. La guerre rend rapidement la situation catastrophique car les importations deviennent impossibles, la Grande-Bretagne mettant en place un blocus économique de l’Allemagne pour éviter que les Allemands ne s’emparent des vivres qui pourraient entrer dans les pays occupés et parce que, d’autre part, les Allemands réquisitionnent les denrées belges pour l’alimentation de leurs propres armées.

Le dénuement est tel que les navets remplacent les pommes de terre… et qu’on se met à débiter du chien dans les boucheries.39 
Le pain a perdu rapidement la blancheur qu’il doit à la farine de froment ; noir et composé dont on ne sait pas trop quoi, il présente une croute qu’on rompt parfois au marteau et une mie lourde, visqueuse, qui colle à la lame du couteau, à la limite de l’immangeable.40  
Les fines cuisinières, faute d’huile et d’œufs, remplacent la mayonnaise par 1 cuillère à café de moutarde délayée dans 3 grosses cuillères de lait et additionnée d’1 cuillère de vinaigre, ou par de la moutarde mélangée à une bouillie de farine et d’eau.
On se contente des abats et d’un mets unique, si possible en sauce pour faire oublier la pénurie de viande.
À défaut de café, on va torréfier des céréales comme l’orge, en attendant de pouvoir acheter la Torréaline, qui est un café-malt autorisé par un Arrêté du Gouverneur général allemand en Belgique :

« § 1er. En exécution de mon arrêté du 19 juillet 1916 concernant l’interdiction de torréfier le blé (Bulletin officiel des lois et arrêtés, p. 2414), j’accorde au Comité national l’autorisation de mettre en vente le café-malt obtenu avec du blé torréfié. »

Le paragraphe 3 précise notamment :

« Au verso du sachet se trouve le texte suivant imprimé en flamand et en français : « La « Torréaline » est un produit absolument pur et sain, elle ne peut se vendre qu’en paquets fermés. La « Torréaline » n’est en vente que dans les magasins du « Comité national de secours et d’alimentation ».  Les acheteurs ne peuvent en obtenir que dans les limites du rationnement et uniquement pour leur consommation personnelle.  Toute revente est interdite.  Les sachets sont fermés au-dessus et au-dessous à l’aide d’une étiquette ronde apposée de manière qu’on ne puisse ouvrir le paquet sans déchirer une des deux étiquettes.  Les étiquettes portent, en caractères blancs sur fond rouge, le mot « Torréaline » et au-dessus ou en-dessous de ce mot, en petits caractères rouges sur fond blanc, l’inscription « Comité national de secours et d’alimentation. »

Le paragraphe 4 complète : 

« Jusqu’à nouvel avis, la torréaline se vend au prix de 50 centimes les 500 grammes. »

Il va de soi qu’il est défendu d’en vendre dans un autre emballage ou dans des magasins non-autorisés sans encourir les sanctions prévues au § 6 :

« une peine d’emprisonnement d’un an au plus ou d’une amende pouvant atteindre 5 000 marcs.  En outre, on pourra appliquer les deux peines simultanément et prononcer la confiscation des quantités utilisées à l’encontre du présent arrêté. Les tribunaux et commandants militaires allemands sont compétents pour juger lesdites infractions. Bruxelles, le 7 septembre 1916. Z. E. K. 622. »41   

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Carte postale de la firme Albers
qui commercialisa la margarine Branbantia de1895 à sa reprise par Vandemoortele en 1951.
On y lit « J'aide maman.  Un bon café… sans torréaline »


Le Comité National de Secours et d’Alimentation, dont question ci-dessus, a été créé par Émile Francqui (officier, explorateur et industriel), Adolphe Max (bourgmestre de Bruxelles), Ernest Solvay (chimiste et industriel), Emmanuel Janssen (industriel belge en chimie et verrerie, créateur principal de la banque de la Société générale de Belgique) et Édouard Bunge (très important négociant ayant organisé les échanges commerciaux entre la Belgique et l’État indépendant du Congo) pour sauver la population de la famine.

La situation est très réellement grave ; elle interpelle un ingénieur américain expatrié, Millard Shaler, qui en parle à l’ambassadeur Walter Hines Page, son compatriote ; celui-ci contacte  l’ingénieur des mines américain Herbert Hoover qui vient d’organiser le rapatriement de quelques 120 000 Américains coincés en Europe. 

Ils mettent sur pied la Commission for Relief in Belgium42 qui, avec l’aide de dons individuels et de subventions de l’État américain, va acheter des aliments et biens de première nécessité, les envoyer en Belgique et dans le nord de la France et assurer le contrôle de la distribution faite sur place par le Comité National de Secours et d’Alimentation. 

Les volontaires de celui-ci, étant belges, doivent se soumettre à l’Autorité allemande mais la supervision des opérations de distribution des biens par la CRB, américaine, et le fait que les denrées alimentaires sont officiellement propriété de l’ambassadeur américain en Belgique, Brand Whitlock, leur permettent de garder les produits hors de portée de l’occupant.  

En novembre 1914, Hoover traverse la Manche pour visiter les magasins de la CRB, rencontrer les bénévoles et se rendre compte de la situation.  Dès le début de décembre, plus d’un millier de Bruxellois (dont 200 000 adultes) sont alimentés gratuitement dans des cantines43 – notons que Bruxelles a plus rapidement connu la faim que Liège dont certains habitants allaient se ravitailler en Hollande44.  Les commerçants de la Cité ardente avaient aussi plus de facilité (même si relative) à se réapprovisionner par ce pays ; selon les moments les importations de certaines denrées étaient autorisées, d'autres interdites.  Ainsi à la mi-septembre 1914, ils pouvaient obtenir du café, du lin, du tabac mais non du riz qui manquait pourtant cruellement, ni pois, haricots, harengs fumés ou huile d’olive.

La CRB parvient à faire accepter son action à la fois aux Allemands qui apprécient peu une présence étrangère et aux hommes politiques britanniques qui considèrent d’une part que, l’Allemagne ayant occupé le territoire belge doit se débrouiller pour nourrir la population et que, d’autre part, une aide alimentaire risque de prolonger la guerre.
Malgré l’attaque par des sous-marins allemands de navires transportant les vivres de la CRB, celle-ci va fournir près de 5 200 000 tonnes d’aliments entre 1914 et 1918.

Dans ces denrées figurent près de 320 000 tonnes de farine conditionnée en sac de coton. 
Une surveillance très stricte des sacs se met en place car on craint que les Allemands ne s’en emparent – pour le coton dont ils ont besoin – ou qu’on ne les remplisse, une fois vides, d’une farine de qualité inférieure qui serait revendue aux habitants. Les sacs sont donc récupérés et distribués aux écoles professionnelles, aux ateliers de couture, aux couvents, aux artistes ; on va en faire des objets utilitaires (vêtements, coussins, sacs, petites tentures, etc.) ou des œuvres d’art.  De nombreuses femmes brodent sur les motifs imprimés d’origine sur la toile ; d’autres inventent des décors, ajoutent les drapeaux belges et américains, bordent leurs travaux de broderies de dentelles, inscrivent leur témoignage de gratitude, datent, signent… Décorés, interprétés, ces sacs sont récoltés et distribués à des commerces et à des organisations belges, anglaises et américaines ; leur vente permet d’acheter davantage de denrées alimentaires pour les civils et pour les prisonniers de guerre. Nombre d’entre eux sont offerts aux membres de la Commission for Relief in Belgium et particulièrement à Herbert Hoover.45 

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Recto et verso d'un sac de farine brodé provenant du musée de la Gourmandise.

 

Succédané, ersatz


L’obligation de remplacer des produits alimentaires par d’autres pendant les deux guerres mondiales dont beaucoup attribuent la responsabilité aux Allemands a imposé le mot « ersatz », synonyme de succédané, dans la langue française ; il y est apparu pendant la Première Guerre mondiale et d’abord pour désigner les produits de remplacement auxquels les Allemands devaient eux-mêmes avoir recours.46  N’oublions pas que les armées agressives laissent aussi derrière elles et dans l’épreuve des femmes, des gosses, des vieux et des malades tenus de compenser coute que coute le labeur des hommes partis se battre.

L’homme a cependant trouvé et utilisé des succédanés dès l’Antiquité. 

  • Le lait animal est celui du lait maternel.
  • Les champignons servent à faire des huitres et le poisson du porc au temps de Pétrone.47
  • La chicorée est utilisée à la place du café dès le XVIIe siècle aux Pays-Bas.
  • Le sucre de betterave (apparu en 1812 à cause du blocus continental imposé par Napoléon Ier) se substitue au sucre de canne comme la saccharine américaine, commercialisée dans les années 1880, le fait pour le sucre tout court (de canne ou de betterave, au choix).
  • La margarine (composée de graisse de bœuf, de lait et d’eau) commence à remplacer le beurre sous Napoléon III.
  • L'extrait de viande, liquide ou solide, découle des recherches de chimistes et pharmaciens du XVIIIe siècle et est vendu par Nicolas Appert dès 1831.
  • Etc.

Sur le ton de l’humour (noir), on peut même affirmer que le (tomato) ketchup a été un ersatz de légume en temps de paix puisqu'en 1982, l’administration Reagan a proposé de le classifier en tant que légume pour réaliser des économies dans les cantines scolaires !


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Devant une boite du délicieux café Le Pélican rouge d'Anvers,
deux paquets de chicorée, le « café des pauvres ».
La très célèbre chicorée belge Pacha, produite par la famille Van Lier à Hal,
depuis les années 1820, a éduqué des générations entières de jeunes francophones,
leur apprenant que l'indicatif futur simple du verbe boire n'est pas « buvra ».
Son slogan, connu par tous, était en effet
Qui a bu boira, Chicorée Pacha !


On le voit chicorée, saccharine et margarine ne constituent pas des ersatz dus à la Grande Guerre !  
Mais la privation des denrées qu’elles remplacent – café, sucre, beurre - est vécue si douloureusement de 1914 à 1918, et encore de 1940 à 1945, qu’on en a oublié les contraintes alimentaires des guerres précédentes.
Et, objectivement, cela se comprend. Car en quoi nous souvenir de ce que nos ancêtres crevaient de faim peut-il soulager notre souffrance quotidienne et celle de nos enfants ? À quoi nous sert-il de savoir qu’au Moyen Âge, on a dû manger du pain composé de paille, d’argile, d’écorce d’arbre ou de farine de gland ? Qu’à la cour du Roi Soleil, même l’épouse de Louis XIV – Madame de Maintenon – mangea comme tous du pain d’orge pendant la disette de 1709  ? Que des Français pauvres ont couramment mangé un pain de farine de céréales mélangée au rhizome moulu et tamisé de la fougère48 jusqu’au XXe siècle ?49   

Le cas du bouillon de viande est un peu particulier…
Après Appert, diverses firmes ont commercialisé ce type de produit : Liebieg, Knorr, Bovril, Maggi.
L'extrait de viande créé par le suisse Julius Michael Johannes Maggi sous forme de condiment liquide en 1887 est devenu en 1907 un solide qu'il suffit de dissoudre dans l'eau chaude ; il a bénéficié d'une énorme promotion, par l'affiche créée pour lui par le célèbre Leonetto Capiello, par la présence d'un char dans le cortège de la Mi-Carême au Carnaval de Paris, par des cartes postales, des plaques murales émaillées, etc. et se vend à raison… de quelque 6 millions de pièces par mois.

bouillon kub 1913 - la tour de dinan

Carte postale, 1913 - crédit d'image : Basili


En forme de cube - qui aurait inspiré le cubisme, Picasso l'ayant représenté dans son Paysage aux affiches, en 1912 -, l'extrait Maggi se présente dans un emballage rouge et jaune ne portant quasiment pour mention que le terme KUB dans un graphisme massif.
Sous l'influence directe du nationaliste antisémite Léon Daudet qui a publié en 1913, dans le sillage de l'affaire Dreyfus, un recueil d'accusations farfelues contre des commerçants juifs et allemands, vendu à 12 000 exemplaires et qui arrange bien le syndicat des crémiers redoutant la puissance du département laitier de Maggi, ce « K » est interprété comme caractéristique de la Kolossal Kultuur germanique par la Ligue d'Action française. L'ostracisme dont font preuve  ses membres et la peur irrationnelle de l'espionnage, dès avant le début de la guerre, précipitent le cube aux enfers : tant de gens se mettent à dire que les publicités KUB sont placées sur les routes et aux carrefours pour guider les Allemands ou pour les informer des endroits où réquisitionner… que même le gouvernement français va les suivre et, le 4 aout 1914, télégraphier aux préfets qu'il faut faire détruire toutes les affiches le long des voies ferrées, aux abords des ouvrages d'art importants, aux bifurcations !
La rumeur est devenue réalité et même de pauvres représentants de commerce qui vendaient le fameux cube sont arrêtés. En vain, évidemment. LeNaour
La crédibilité des autorités françaises a pris là un sacré bouillon !

Il y a eu des ersatz dans d’autres domaines que l’alimentation : le savon manquant a été remplacé par d’anciennes formules de détergent à base de cendres de bois, les bas ont été imités par la teinture et le dessin à même la peau de la couture qui affine la ligne des jambes féminines ;  le cuir devant être fourni à l’occupant, les Européennes ont dû marcher sur des semelles de bois ;  l’essence a été remplacée par un produit synthétique à base de lignite inventé par les chimistes germaniques et le caoutchouc… par le caoutchouc – le premier étant naturel, issu de l’hévéa tropical devenu inaccessible à l’Allemagne, le second étant un produit synthétique dont le premier nom de marque, Buna, vient des deux produits chimiques qui le composaient : butadiène et natrium.50 

Des légumes oubliés ?


Dans la fin des années 2000, les quinquagénaires et leurs cadets découvrent dans les supermarchés des plantes que les industriels de l’alimentation ont soigneusement omis de présenter dans leur assortiment pendant quelques soixante ans car ils avaient peu de chance de les écouler.
Ces gestionnaires embrayent sur la popularité de l’agriculture biologique, sur le désir de retrouver une nourriture moins dépendante des produits chimiques, sur le conseil – pour le moins sommaire dans sa formulation – de « manger 5 fruits et légumes par jour » ; ils attirent alors l’attention sur ce qu’ils appellent pompeusement « les légumes oubliés ».

Le nom n’est pas innocent : il fait rêver le client à une sorte de « retour aux sources » et il le culpabilise en même temps – comment peut-on ignorer qu’il existe une alternative aux sempiternels petits pois, carottes, salades, tomates et haricots princesse ?

legumes-oublies

Résultat obtenu le 2 avril 2014.


De fait, si l’on a oublié un temps panais, scorsonère, rave, crosne, rutabaga et topinambour, c’est parce qu’on s’en souvient trop !  
Ou du moins parce que les parents de ces quinquagénaires s’en souvenaient trop bien pour en avoir mangé à satiété, en de telles quantités et dans des conditions si pénibles pendant la guerre, que l’écœurement et le dégout en ont résulté et persisté.

L’économie de guerre force les peuples à modifier leur régime alimentaire. La pénurie incite à trouver des aliments qui se cultivent aisément, apportent une grande quantité de glucides et ne sont pas, comme la pomme de terre, réquisitionnés par les envahisseurs.  C’est le cas de ces plantes rustiques, résistantes, faciles à cultiver, qui poussent même dans des sols pauvres et constituent donc… un aliment idéal pour le bétail.

Cette fonction fourragère ajoute une valeur négative à l’obligation où l’on se trouve de devoir manger répétitivement, quotidiennement, un légume assez fade, souvent rebutant à nettoyer ou éplucher, juste cuit longuement à l’eau, présenté à table sans matière grasse, sans sauce, sans ces apprêts qui le mettraient en valeur pour la simple raison que le beurre manque, comme la farine, le sucre, le miel, le fromage, les fines herbes et les épices.  

De là vient qu’au retour de l’abondance, on se passe de ces aliments et qu’on n’apprend plus aux enfants à les manger.

Les vrais légumes et herbes oubliés sont ceux que nos ancêtres cultivaient ou cueillaient dans l’Antiquité, au Moyen Âge, au XVIe siècle : la raiponce51, la grande balsamite, la consoude, l’arroche, la livèche, l’ache des marais, le dolique mongette, le mouron (des oiseaux), le plantain, la mauve, le maceron, la bardane, la menthe pouliot, le chervis, la tanaisie, etc.

raiponce


Salade de response (raiponse dans l'orthographe d'époque) dans La Varenne, 1688.

Pénuries d’ailleurs


On imagine peu que la Suisse, connue pour sa neutralité et sa richesse, ait pu souffrir d’une pénurie alimentaire en raison des guerres déclenchées autour d’elle.  Ce fut pourtant le cas.

Si le Conseil fédéral s’est inquiété dès 1912 des tensions entre grande puissances européennes, il n’en a pas pour autant préparer le pays au conflit, se bornant à s’assurer du ravitaillement céréalier de l’armée et estimant que pour le reste de l’approvisionnement en cas de longue guerre, il suffirait de s’allier avec l’une des puissances participant au conflit.

Le pays fonctionnait selon une politique économique libérale, aisément approvisionné de l’étranger par le développement du chemin de fer et pratiquant des droits de douane modérés pour faciliter l’accès aux marchés internationaux. À la fin du XIXe siècle, les paysans étaient bien plus spécialisés dans l’élevage et la production laitière que dans les cultures céréalières et l’import de denrées était une prérogative de l’économie privée. Au début des années 1900, certains s’inquiétèrent d’une possible réduction de l’offre mondiale et souhaitèrent une intervention de l’État mais celui-ci ne pouvait que difficilement intervenir étant donné la liberté illimitée accordée au commerce et à l’industrie.

En 1914, la réserve de céréales (constituée par le département militaire) n’est que de deux mois et la Suisse dépend à 40 % de l’étranger pour l’alimentation et l’énergie. Un accord conclu au printemps avec la France et l’Allemagne pour l’approvisionnement en grains et charbon ne constitue pas une solution satisfaisante lorsque ces pays se concentrent sur leurs propres problèmes dans ces domaines.
C’est le chaos. Le parti de gauche réclame l’obligation de constituer des réserves mais ce n’est qu’en janvier 1915 que le Conseil fédéral introduit le monopole des blés.
En 1916, le cout de la vie a fortement augmenté et les récoltes de pommes de terre ont été mauvaises, les ouvriers manifestent ; la paupérisation va croissant. En 1917, les Américains s’associent au blocus économique contre les Allemands et arrêtent par moment leurs livraisons de céréales à la Suisse pour éviter qu’elle ne continue à exporter vers l’Allemagne qui, de son côté, diminue ses exportations de charbon.
Les mesures prises par le Conseil fédéral vont être mal coordonnées. Distribution d’aliments peu couteux aux nécessiteux, règlementation sur la mouture des céréales et sur le prix du pain, subventions pour le lait et le pain, obligation d’accroitre les surfaces de culture des céréales et des pommes de terre et finalement rationnement des aliments de base.

Le suisse Auguste Jotterand publie alors La cuisine de guerre52 et en donne la raison dans la préface :

« (...) L'institution des jours sans viande, le renchérissement considérable de notre alimentation, en particulier les viandes, les œufs, le beurre, la graisse, etc., ont jeté le trouble dans l'âme paisible des ménagères.  Comment, maintenant, faire un bon dîner sans que le porte-monnaie crie au secours ? (…) Par ces quelques recettes de cuisine de guerre, nos ménagères pourront économiser sur les viandes et autres produits une moyenne de 150 %, tout en mangeant une nourriture saine et fortifiante. (…) En raison de la prolongation de la guerre, qui peut-être ne sera pas terminée cette année, je recommande de faire des conserves d'œufs, de poissons, de haricots et pois, car ces denrées seront très chères l'hiver prochain. (…) »

Il y donne une recette de matefaim (sorte d'omelette à la farine et au lait), de macaronis à la marseillaise (cher en combustible par le temps de cuisson), d’un biscuit de guerre (pas si économique que ça ! car incluant chocolat en poudre, cannelle, girofle, gingembre mais « un grain de sel »), d’œufs en conserve à la chaux, de conserve de fruits sans sucre et d’une conserve de pain « au cas où notre ravitaillement se resserre encore ».

Ce n’est que peu avant la fin de la guerre, en 1918, que, sous la pression du Comité d’Olten, le Conseil fédéral instaure l’Office de guerre de l’alimentation.
La tension sociale ne retombe pas avec la fin de la guerre : en novembre 1918, une grève générale fait trois morts suite aux altercations entre les grévistes et l’armée appelée en renfort.

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Grévistes zurichois face à la cavalerie militaire, 1918
Crédit d'image : Manoillon


Une conséquence à laquelle on pense peu


– Docteur, je n’ai plus mes règles, je pense que j’attends un bébé.

– Non, Madame. Vous n’êtes pas enceinte. Vous êtes stérile.

Réponse effrayante.

À partir de 1916, les observations rigoureuses des médecins polonais et allemands permettent de prouver ce que certains historiens de la famine soupçonnaient : la carence alimentaire provoque l’aménorrhée dite d’inanition ou de famine, qui dure de 2-3 mois à deux ans en fonction de la fragilité des femmes ; pour que le phénomène s’arrête, il suffit de retrouver une alimentation correcte.  Mais le problème est bien là : comment la trouver ?

Dès Pâques 1916, le rationnement de la viande est organisé à Berlin, celui du lait en octobre ; topinambours et rutabagas remplacent les pommes de terre et entrent dans la fabrication du pain et des marmelades ; la ration de graisse a baissé de 69,2 % en 1 an et demi.

La même situation se présente dans d’autres pays, comme la Russie, entre 1917 et 1921, et reprend identiquement entre 1936 (Guerre d’Espagne) et 1946, en Espagne, Allemagne, France, et Pays-Bas où suite à la grève générale des transports et au blocage par les Allemands, en représailles, des routes et canaux, les villes ne reçoivent quasiment plus de nourriture : « à La Haye, plus de cent personnes meurent de faim, chaque semaine, de janvier à mai 1945 » –  et c’est pire encore à Rotterdam – ; on compte dans les villes du pays 70 % de femmes temporairement stériles.

Il en va évidemment de même dans les camps de concentration… où les facteurs psychiques s’ajoutent à la dénutrition et où certains estiment que 99 % des femmes sont aménorrhéiques.  
En Amérique, le même phénomène est davantage lié à l’anxiété des épouses, filles ou fiancées de combattants engagés dans la Deuxième Guerre mondiale. 

On conclut donc que l’aménorrhée de guerre peut être le résultat des restrictions et privations alimentaires combinées à l’angoisse et aux frustrations morales.
« L’aménorrhée de dénutrition est bien le cri de la souffrance silencieuse des millions de femmes sous-alimentées et traumatisées. » 53
 

the liberation of bergen-belsen concentration camp april 1945 bu4013

Femmes faisant la queue pour obtenir de la nourriture
lors de la libération du camp de concentration de Bergen-Belsen, avril 1945
Crédit d'image :

« On mangera bien au moins ? »


Nous avons déjà annoncé que dans le cadre de notre cycle « Manger comme… », nous organisons une soirée sur réservation (nombre de places limité) Manger comme pendant la guerre le 20 septembre 2014 à 19 h.

L’un de nos visiteurs a réagi à cette annonce : « On mangera bien au moins ? »

Nous l’espérons !  Et travaillons à ce « menu de fête » qui pourrait se composer de :

Soupe au chocolat
Escargots « Après la pluie, le beau temps »
Viande de conserve à la mode d'Ésaü - faux ersatz de légumes
Roussette (beignet)
Café
Cigarette de nos Ardennes
Liqueur maison

Car nous ne disposons ni de pandas, ni des animaux du jardin zoologique de Paris cités dans ce menu de 1870 :

 

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Crédit d'image : Yomangani

 


 

NOTES

[1] Lancelot, « Sucre vainqueur » dans Le Soir, quotidien belge, 28 mars 1991, p. 30. retour au texte

[2] Thierry Claeys, Les institutions financières en France au XVIIIe siècle, Tome I, SPM, 2011, p. 472-473. retour au texte

[3] À peu près 1 kg. retour au texte

[4] Colonel Édouard Hardy de Périni, Batailles françaises, vol. 3, p. 61 à 72. retour au texte

[5] 1618-1648, qui met en scène les Royaumes de Suède, du Danemark et de Norvège, de Bohême, de France, du Portugal, d’Espagne, de Hongrie, le Saint-Empire romain germanique, la Ligue catholique du Saint-Empire, l’Union protestante, l’Électorat de Bavière, celui de Saxe, le Palatinat du Rhin, le Brandebourg-Prusse, les Croates, l’Archiduché d’Autriche, la Zaporogue (cosaques ukrainiens), et la République des Provinces-Unies des Pays-Bas. retour au texte

[6] Michael Howard, La guerre dans l’histoire de l’Occident, Fayard, Paris, 2000. retour au texte

[7] Françoise Knopper et Alain Ruiz, Les voyageurs européens sur les chemins de la guerre et de la paix du temps des Lumières au début du XIXe siècle, Presses universitaires de Bordeaux, 2006, p. 324 et 325. retour au texte

[8] Jacques Logie, Waterloo. La campagne de 1815, Racine, 2003, p. 28 et 29. retour au texte

[9] La vie et les mémoires du général Dumouriez avec des notes et des éclaircissements historiques, T. III, Baudouin Frères, Paris, 1823, p. 106. retour au texte

[10] Gilles Candela, L’armée d’Italie. Nice. 1792-1796, Serre, 2000, p. 160. retour au texte

[11] Nicole Dufournaud, « Femmes en armes au XVIe siècle » dans Coline Cardi et Geneviève Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, La Découverte, Paris, 2010 . retour au texte

[12] Une légende cite l’existence d’une vivandière dans la bataille de Montaperti, en Italie, au XIIIe siècle. retour au texte

[13] Logie, op. cit. retour au texte

[14] Émile Gaboriau, Le 13e hussards. Types, profils, esquisses et croquis militaires à pied et à cheval, Paris, E. Dentu, 1861. retour au texte

[15] Logie, op. cit. retour au texte

[16] Benoît Amez, Dans les tranchées. Les écrits non publiés des combattants belges de la Première Guerre mondiale. Analyse de leurs expériences de guerre et des facteurs de résistance, Publibook, 2009, p. 154 et 155. retour au texte

[17] Extrait de « The Line de Cyrus Leroy Baldridge », dans I was here with the Yanks on the Western front. 1917-1919, G.P. Putnam's sons, New York London, 1919. N.B. Corned-willy est synonyme de corned-beef  dans le jargon militaire américain. retour au texte

[18] E. Vallin (réd. en chef), Revue d'hygiène et de police sanitaire, 18e année, Masson et Cie, Paris, 1897, p. 297. retour au texte

[19] Interview de Ousmane Sembène dans Sada Niang, Dialogues with critics & writers, Contributions in Black Studies, Vol. XI, art. 15, The Berkely Electronic Press, 1993. retour au texte

[20] Albert Baratier, À travers l'Afrique, Fayard, Paris, 1910. retour au texte

[21] Raymond Vacquier, Au temps des factoreries (1900-1950), Khartala, 1986, p. 162 et 163. retour au texte

[22] Ordinaires. Livre de cuisine militaire aux manœuvres et en campagne, Bulletin officiel du Ministère de la Guerre, Librairie militaire, Paris, 1909. retour au texte

[23] Benoît Amez, op. cit., p. 24 et 169 à 173. retour au texte

[24] Extrait de la Litanie du Livre de Prières Publiques, 1662. retour au texte

[25] Extrait des Litanies en l’honneur de saint Roch, Toulouse, 1843. retour au texte

[26] Élisabeth Carpentier, « Autour de la peste noire. Famines et épidémies dans l’histoire du XIVe siècle » dans Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, Vol. 17, n° 6, 1962, p. 1062 à 1092. retour au texte

[27] Christian Desplat, Les villageois face à la guerre, XIVe-XVIIIe siècle. Actes des XXIIe Journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, 8, 9, 10 septembre 2000, Presses universitaires du Mirail, 2002, p. 13. retour au texte

[Julien] François Julien-Labruyère, Cognac Story. Du chai au verre, L’Harmattan, 2008, p. 298. - retour au texte.

[Westmalle] Collectif, Grands chefs et Westmalle. Plus de 80 recettes de saison à la bière trappiste, La Renaissance du livre/Davidsfonds, 2005. - retour au texte.

[AdW] La révolution alimentaire à l’aube du marché européen, Archives de Wallonie, 1991,  p. 48. - retour au texte.

[Brion] René Brion et Jean-Louis Moreau, De la Mine à Mars. La genèse d’Umicore, Lannoo, 2006, p. 92. - retour au texte.

[Stevens] Fred Stevens et Axel Tixhon, L’Histoire de la Belgique pour les Nuls, First-Gründ, Paris, 2010, p. 392. - retour au texte.

[Naessens] Colonel Naessens, La défense du fort de Loncin, sur www.1914-1918.be/soldat_loncin.php consulté le 2 avril 2014. - retour au texte.

[28] Ces informations sont données dans un manuscrit encore inédit : Les Allemands à Hermalle-sous-Huy. retour au texte

[29] Les saigneurs de la guerre est le titre d’un livre de Jean Bacon publié chez L’Harmattan en 1995. retour au texte

[30] Éric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon et Gilles Gauvin, Les Français au quotidien. 1939-1949, Perrin, 2006. retour au texte

[31] Synonyme de la scarole, salade (sous-espèce de la chicorée-endive) qui se consomme crue ou cuite. retour au texte

[32] 12 litres. retour au texte

[33] Jeanne Gaillard, Paris, la Ville (1852-1870), L’Harmattan, 1998, p. 179. La pomme de terre est un mets pour riches parisiens ; elle n’intervient pas dans la soupe que les ouvriers épaississent avec du pain. retour au texte

[34] Témoignage de Jacky Adam dans Joël Thiry, Magnèdjes di manèdjes. La cuisine familiale au fil de l’Ourthe, Musée de la parole au pays de Bastogne, Bastogne,1999. retour au texte

[Nahoé] Dominique Nahoé, « La population liégeoise face aux soldats allemands en août 1914 », article inédit, à paraitre dans l’ouvrage collectif (coordination éditoriale Province et Ville de Liège) 1914-1918. Vivre la guerre à Liège et en Wallonie, Éditions du Perron, Alleur, 2014. Voir aussi s.n., Liège et ses affiches de guerre. Souvenirs historiques, s.d. –  retour au texte

[35] Car « le caractère diabolique du confort ne souffre aucun doute » - extrait de l’Instruction pastorale sur l’esprit de renoncement et de sacrifice, carême 1853 – « (…) ce confort qui énerve les caractères, qui dévore, comme une plante parasite, les forces vitales de l’âme, qui rapetisse les intelligences (…) » dit Louis-Édouard Pie, évêque de Poitiers, 1815-1880.  N.d.l.r. : ce n’est pas parce qu’on est théoriquement habitué à vivre en ascète dans une cellule non chauffée qu’il faut l’imposer aux autres ! Ces citations sont extraites de Emmanuelle Gallo, La réception des nouveaux modes de chauffage domestique en France au XIXe siècle, p. 42. retour au texte

[36] Charbon extrait dans les houillères par opposition au « charbon de bois » qui résulte de la carbonisation du bois. retour au texte

[37] Témoignage de Charles Ménage, liégeois né en 1939 qui, enfant, a assisté au fait. retour au texte

[38] Jean Haust, Dictionnaire liégeois, Vaillant-Carmanne, Liège, 1933. retour au texte

[Cochet] François Cochet, La Grande Guerre. Fin d'un monde, début d'un siècle, EDI8 - Plon, 2014. - retour au texte

[Beltrao] Pedro Calderan Beltrao, Vers une politique de bien-être familial. Éléments d'une normative économique et sociale de la politique familiale, Librairie éditrice de l'Université grégorienne/Institut de recherches économiques et sociales de l'Université de Louvain, Rome/Louvain, 1957, p. 127 à 135. - retour au texte   

[39] Jean-Yves Le Naour, La Grande Guerre, Edi8-Firts Editions, 2012, p. 1901. retour au texte

[40] Helen McPhail, The Long Silence. Civilian life under the German occupation of Nothern France 1914-1918, I.B. Tauris & Co Ltd, 1991, p. 63 à 66. retour au texte

[41] Charles Henry Huberich et Alexander Nicol-Speyer, Législation Allemande pour le Territoire Belge Occupé (textes officiels), La Haye, Martinus Nijhoff, 1917, p. 462. N.B. Les textes sont publiés en allemand, français et flamand. retour au texte

[42] Commission sans base légale, neutre, officiellement fondée le 22 octobre 1914. Helen McPhail, The Long Silence. Civilian life under the German occupation of Nothern, 2001, p. 63. retour au texte

[43] Helen McPhail, op. cit. retour au texte

[44] On dit alors Hollande et Hollandais pour désigner les Pays-Bas et les Néerlandais. retour au texte

[45] Le musée consacré à Herbert Clark Hoover (10 aout 1874-20 octobre 1964), ce bienfaiteur des populations belges qui fut ensuite président des États-Unis d’Amérique de 1929 à 1933, possède l’une des plus grandes collections de ces sacs de farine ; il est situé à West Branch dans l’Iowa. retour au texte

[46] Maurice Tournier, Des noms et des gens en guerre. Volume II. De la Seconde guerre mondiale  aux génocides (1939-1945), L’Harmattan, 2013, p. 185. retour au texte

[47] Petrone, Satiricon, 70. retour au texte

[48] Gustave Hubault et Émile Marguerin, Les grandes époques de la France par MM. Hubault et Marguerin, 2e partie. D’Henri IV à la Révolution. 1589-1789, Delagrave, 1872, p. 170. retour au texte

[49] À relativiser et, en temps d’abondance, à compatir au moins à la faim des autres – mieux, à agir pour la soulager. retour au texte

[LeNaour] Jean-Yves Le Naour, 1914 La grande illusion, Plon, 2012 - retour au texte

[50] Le butadiène est l’hydrocarbure C4H6 ; le natrium est un autre nom du sodium, un métal alcalin. retour au texte

[51] Une campanule. retour au texte

[52] Auguste Jotterand, La cuisine de guerre, Albert Dupuis, Lausanne, 1917. Cet auteur, professeur de cuisine, apparemment né le 26/8/1842 à Saint-Livres, Vaud, Suisse, a également publié en 1907 La cuisine renommée, et Le cours de cuisine chez soi. retour au texte

[53] Emmanuel Le Roy Ladurie, « L’aménorrhée de famine (XVIIe-XXe siècles) dans Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, Vol 24, n° 6, 1969, p.1589-1601. retour au texte

 


 

ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE COMPLÉMENTAIRE

  • Rayon CUISINE DE GUERRE de la Bibliothèque de la Gourmandise
  • Édouard de Pomiane, Cuisine et restrictions,Corréa, Paris, 1940.- 148 p.
  • R. Brenneke, Die deutsche Hausfrau im Weltkrieg : ausführlicher Kriegs-Kochbuch aller Ernährungsarten, Verein Leipziger Frauenhilfe, Leipzig, [1915].
  • Flugschriften zur Volksernährung / Hrsg.v.d. Zentral-Einkaufsgesellschaft m.b.H., Verlag der Zentral-Einkaufsgesellschaft m.b.H, Berlin, [1914-1918].

 

Normal 0 21 false false false FR-BE X-NONE X-NONE Jacques Logie, Waterloo. La campagne de 1815, Racine, 2003, p. 28 et 29.